Cinéaste romanesque par excellence, Christophe Honoré continue avec Chambre 212 de s’intéresser aux élans du coeur, ceux qui font rire et pleurer.
Après son plus sombre Plaire, aimer et courir vite qui se déroulait pendant l’épidémie du sida, Christophe Honoré avait un besoin urgent de tourner rapidement, en toute liberté, et de renouer avec sa muse, Chiara Mastroianni.
«Quand je la filme, j’ai un peu l’impression de faire un autoportrait, avoue le réalisateur au bout du fil, qui la dirige pour la sixième fois. On pense souvent que les metteurs en scène se projettent dans les acteurs du même sexe. Mais pas moi.»
La fille de Catherine Deneuve incarne dans ce huis clos une femme qui multiplie les amants et qui prend une pause de son mari – le chanteur Benjamin Biolay, qui est également l’ancien époux de Mastroianni – afin de réfléchir, seule.
Malgré un sujet empreint de gravité, le ton est à la légèreté, porté par un vent enchanteur qui fait cohabiter poésie et mélancolie.
«Je me méfie du cinéma d’auteur solennel et des personnages trop sérieux», dit Honoré à ce sujet.
«Cela vient certainement du fait que j’ai tourné pour la première fois en studio, explique celui qui en est à son 13e long métrage. Le studio a un côté boîte magique qui permet de faire des plans qui ont de la fantaisie.»
L’amour, toujours l’amours
Cette comédie sentimentale ponctuée de répliques pétillantes permet surtout au créateur des inoubliables Chansons d’amour de replonger dans ses thèmes fétiches: l’usure du temps, l’amour qui détruit et qui n’est pas forcément fait pour rendre heureux.
«Mais en même temps, c’est la seule aventure qui vaut la peine d’être vécue en tant que vivant, maintient Christophe Honoré. Dommage que les gens soient si incompétents en amour… Je crois qu’on est tous un peu perdu face à nos histoires d’amour et Chambre 212 parle de ça. D’un couple qui ne sait plus comment faire. Elle essaie de s’isoler pour réfléchir et plus elle réfléchit, moins les certitudes arrivent. Tout devient contradictoire, mélangé.»
«En tant que spectateurs et journalistes, on attend du cinéma qu’il donne une vision nette, précise et exacte du monde d’aujourd’hui. Hors, ce n’est pas ça du tout. Au contraire, le cinéma est un miroir déformant, un miroir de fiction.» Christophe Honoré, cinéaste
Ce ne sont pas les fantômes omniprésents qui apaiseront l’héroïne. Il y a ceux, cinématographiques (Truffaut, Allen, Guitry, Bergman, Resnais…) qui se terrent dans l’ombre. Puis, ceux fantasmés qui se matérialisent en version âgée ou rajeunie d’un conjoint, d’une ancienne maîtresse.
«C’est quelque chose que je vis quotidiennement, lance en riant le réalisateur de 50 ans, qui est présentement en tournage sur le projet Le côté de Guermantes de Marcel Proust. Parfois, je me sens beaucoup plus vieux que je le suis et à d’autres moments, j’agis comme si j’avais toujours 20 ans, notamment dans les rapports amoureux. On est multiple, on a vraiment des âges fluctuants au cours d’une même journée.»