Près d’une décennie après avoir quitté le milieu musical, le rappeur Connaisseur Ticaso effectue un retour. Depuis une semaine, le premier extrait de son album cumule les visionnements sur YouTube. Un succès qui le prend lui-même de court.
«Je suis heureux de la réponse. Mais je suis quand même un peu étonné, c’est plus que ce à quoi je m’attendais. La réponse est presque unanimement positive, et c’est ce qui me surprend», révèle d’entrée celui qui se définit comme un «vétéran» de la scène hip-hop montréalaise.
«Je suis un poète de la rue. C’est mon style. Je raconte ma vie, mon milieu, mon entourage, d’une façon très storytelling. Mais le son que j’ai n’était pas assez présent dans les dernières années.» – Connaisseur Ticaso
Malgré sa longue feuille de route, qui a débuté à la fin des années 1990, il s’agit d’un premier album officiel pour le rappeur qui a grandi entre Montréal-Nord et Saint-Léonard. Ses précédents efforts étaient indépendants. Il se retrouve maintenant avec Joy Ride Records, qui accueille notamment Imposs et Loud.
«Ils m’avaient approché il y a 5 ans pour m’offrir un contrat, mais à ce moment, je n’avais pas la tête à la musique. J’avais été les rencontrer quand même, mais le timing n’était pas bon», se remémore Connaisseur Ticaso. Après avoir pris la décision de retourner dans le milieu musical, c’est tout naturellement qu’il s’est tourné vers la maison de disque.
«Ça s’est super bien passé, ils m’ont rendu le travail facile. Avec les productions qu’ils m’ont données, c’était facile d’écrire. C’est l’instrumental qui inspire ce que je dois dire», explique l’artiste, qui se décrit comme étant un poète de rue.
Son album, intitulé Normal de l’Est, est prévu pour le 1er janvier, sur le coup de minuit. Une façon de marquer la nouvelle année. Néanmoins, ses attentes restent modérées. Il espère avant tout que les fans de la première heure soient satisfaits.
Parcours
C’est en 1997 que Connaisseur Ticaso a sorti sa première chanson, Style de vie. «Je savais que j’étais assez bon pour compétitionner avec le reste du monde. De fil en aiguille, c’est venu tout seul. Ma première chanson est venue quelques mois après que j’aie écrit ma première ligne, et tout le monde l’aimait», se rappelle-t-il.
«Je ne suis plus autant dans l’esprit de compétition qu’à mes débuts. Je suis content de voir que la scène à Montréal est en santé, et de voir ceux qui sont bons et qui font bien paraître la ville. Leur succès est bon pour tout le monde.» – Connaisseur Ticaso
Néanmoins, le parcours de Steve Casimir, alias Connaisseur Ticaso n’a pas été des plus roses. Dans sa jeune vingtaine, il était impliqué dans des gangs de rue.
«On était en guerre quand j’ai commencé à rapper», soutient-il. Il ajoute qu’à l’époque, il était incertain de vivre jusqu’à ses 30 ans.
Son style de vie le rattrape cependant. Entre 2009 et 2012, il a été incarcéré derrière les barreaux. Il assure cependant que cette époque est rendue derrière lui.
«Maintenant, ma vie est rendue tranquille. Dans les dernières années, je suis retourné à l’école et j’ai eu un travail», confie-t-il.
À son retour dans la société, l’envie de faire de la musique lui était passée. Deux éléments l’ont cependant ramené dans cet univers.
«Le groupe de rap Griselda est revenu avec un son nostalgique des années 1990, très basé sur les paroles. Quand ils sont arrivés sur scène, ça m’a redonné le goût d’écrire de la musique», mentionne-t-il.
Le second élément, est qu’après avoir vécu l’expérience d’un emploi de 9 à 5, il a réalisé qu’il ne souhaitait pas vivre le reste de ses jours de cette manière.
«Ce n’est pas pour moi, s’exclame-t-il. J’ai failli flancher quand je travaillais, et retomber [dans le milieu criminel], mais j’ai pris la décision de me concentrer à 100% sur la musique.» Une décision qu’il estime la bonne alors que tout semble fonctionner pour lui depuis l’annonce de son retour.
L’influence des paroles
D’emblée, le rappeur souhaite dédier l’entrevue à la mémoire son ami Sacha César-Nelson, alias Kasheem, présent sur deux morceaux de l’album, qui est tombé sous les balles mercredi soir à Laval. Ce dernier était encore impliqué dans des activités criminelles.
Connaisseur Ticaso craint-il lui-même pour sa vie ? «J’ai délaissé la rue. Je ne sens pas qu’il faut que je regarde constamment derrière mon dos, mais il fut un temps que oui. Ce n’est plus une peur constante comme ça l’a déjà été. Il y a eu un temps où je n’étais vraiment pas sûr de me rendre à 30 ans.»
À chaque événement semblable, le débat ressort inévitablement à savoir si la musique peut influencer des jeunes à se tourner vers la criminalité.
«Cela est totalement faux, s’enflamme le rappeur. C’est une mentalité qui est devenue populaire aux États-Unis pour blâmer les Noirs, comme si la pauvreté et la drogue n’y étaient pour rien. C’est l’environnement qui la crée.»
«Je viens de la rue, mais je connaissais aussi des gars qui ont toujours été sérieux dans leurs études, et ils écoutaient la même musique que nous, ajoute-t-il. Si c’était vrai, on aurait aussi un problème de violence dans les régions. À Rouyn, ils écoutent aussi la même musique que nous.»