Culture

«Anan, tome II» de Lili Boisvert: le fantastique comme refuge au réel

L'autrice Lili Boisvert

L’an dernier, Lili Boisvert en a surpris plus d’un en publiant le premier volet d’une trilogie de romans fantastiques nommée Anan. L’autrice continuer d’infuser ses préoccupations culturelles et sociales dans La prêtresse, la suite des aventures de Chaolih et de ses camarades.

Le deuxième tome d’Anan reprend où le premier se terminait. Après le succès de l’expédition menée par Chaolih, le prince d’Anan, Byrns, se marie comme prévu à Làépar, la sadique reine d’Ouranie, afin de souder l’alliance entre leurs deux peuples contre l’ennemi Inare.

Cette suite remplie d’obstacles et de rebondissements est tout aussi captivante à lire. Nous en avons discuté avec Lili Boisvert, qui est également directrice adjointe de l’information au journal Métro.

Ce deuxième tome est plus sombre que le premier. Le livre s’ouvre avec les agressions sexuelles à répétition dont est victime Byrns, le nouveau roi consort d’Ouranie. Il y a aussi beaucoup de sang qui gicle, de séances de torture et de tranchages de gorges. Qu’est-ce qui t’a motivé à aller dans cette direction?

(Rires) Mon état d’esprit était plus sombre au moment d’écrire, et c’était inévitable que l’histoire se rende là. J’ai même tempéré certains passages où j’allais encore plus loin. C’est aussi le fruit de mes réflexions féministes, bien sûr. J’ai l’impression que la fiction reprend très souvent des clichés sexistes. J’ai voulu les inverser. Dans le livre, les hommes sont victimes du sexisme et de la libido prédatrice des femmes. Je montre un jeune homme qui se fait violer par une femme plus vieille et qui a beaucoup plus de pouvoir que lui. L’inverse est très ancré chez nous et on l’accepte comme une fatalité. Mais comment ça se passe si on renverse les rôles de l’agresseur et de la victime? C’est ce que j’ai voulu montrer.

Toutes les nations du livre sont des sociétés matriarcales, où les rôles traditionnels sont effectivement inversés avec ceux de notre réalité. Est-ce que de présenter cela sous forme de fiction permet de faire passer certaines idées autrement?

Oui et non. J’ai vraiment décidé en écrivant Anan que l’histoire allait me guider, et non pas les messages que je voudrais faire passer. Cela dit, j’étais tannée de voir dans presque toutes les histoires les femmes lutter contre le sexisme. Je voulais que mes personnages féminins n’aient pas cette contrainte, que les hommes soient plutôt pris à devoir gérer ça. C’est le cas du personnage de Tarin, notamment.

«Le féminisme et la sexualité sont des sujets qui m’animent fortement, mais je n’ai jamais eu l’intention de ne parler que de ça. Je suis fascinée depuis toujours par les systèmes politiques, la guerre, la distribution de la richesse, les clashs culturels, la psychologie, etc. Donc je me fais plaisir avec Anan.» -Lili Boisvert

Le premier volet de la série avait surpris bien des gens qui ne t’attendaient pas en fiction et encore moins dans le registre de la fantasy, après la publication de l’essai Le principe du cumshot ainsi que l’animation de Sexplora et des Brutes. Qu’est-ce que ce format t’a permis d’exprimer?

Au début, je me disais que ça allait me permettre de moins me poser de questions, car je me donne absolument toutes les libertés. Mais au final, je me pose encore des questions! (Rires) Le fait d’aller vers la fantasy n’était pas du tout réfléchi. En y repensant, c’est clair que c’était une manière de m’évader de ma vie. C’était un mécanisme de défense psychologique. Il fallait que je me crée un refuge. Quand j’étais enfant et que je n’aimais pas trop ma vie, mon imaginaire était très, très riche. Je pense que mes réflexes de petite fille ont repris le dessus.

Même si on assiste à des courses de girafe et qu’on mange des œufs d’autruches épicées au déjeuner dans Anan, plusieurs événements évoquent notre réalité. Il y a des réfugiés, la menace des changements climatiques et un passage décrivant la reine Làépar – «Elle improvise, elle s’égare, elle invente les faits qu’elle ignore et se contredit au gré de son humeur» – rappelle drôlement Donald Trump. T’es-tu inspirée de l’actualité pour ce récit de fantasy?

Absolument! Je reste une journaliste à la base. Je m’imprègne de l’air du temps, de notre univers et des personnages qui y gravitent et je transpose ça dans un autre monde où les règles sont différentes, mais où les situations sont clairement teintées par ce qui se passe ici. Dans le tome III, que je suis en train d’écrire, il sera davantage question d’enjeux économiques, car ce sont des questions qui m’inspirent beaucoup en ce moment.

Parlant du tome III, as-tu une idée de comment se déroulera la grande finale?

Au début, j’en étais sûre et là, je remets beaucoup de choses en question! (Rires) Comme c’est écrit sur trois ans, ma pensée évolue, donc je ne suis plus certaine de comment je veux que ça finisse! Qui meurt? Qui ne meurt pas? Qui finit ensemble? Qui ne finit pas ensemble? J’ai des hésitations. Je pense que finir une histoire est plus difficile que la commencer! J’essaie de me laisser guider par mon instinct.


Anan, tome II : La prêtresse

Aux éditions VLB

 

 

 

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