L’aventure En Flux: Films de poésie touche à sa fin pour les lauréat.e.s et leurs mentor.e.s. Métro, qui propulse ce projet de mise en avant de jeunes Montréalais.e.s issu.e.s des communautés noires, a pu assister à la présentation des courts métrages au Centre PHI et rencontrer les trois chef.fe.s d’équipe de cette expérience créative inédite. Retour sur une conversation enrichissante.
«Je réalise à peine que mon court métrage est présenté au Centre PHI, cette institution artistique reconnue dans le monde entier», confie Bethyna Saint Laurent. La jeune femme à la tête de la société de production IAMTRENDLINE avait en effet été sélectionnée l’été dernier pour participer avec ses collaborateurs à Films de poésie.
Quelques mois plus tard, alors que leur court métrage ECLOSION! est présenté jusqu’au 9 janvier 2022, la pression peut enfin retomber. «C’est gratifiant et je me sens bien, car nous venons de recevoir la validation que nous attendions en tant que créateurs. Je sais maintenant que je suis sur le bon chemin», s’enthousiasme-t-elle.
Penser autrement
Pour Bethyna Saint Laurent, les ateliers organisés par le Centre PHI pour les lauréat.e.s et animés par leurs mentor.e.s pour Films de poésie auront apporté une aide précieuse à l’exploration, «que ça soit pour le côté immersif ou le fait que nous devions filmer en format vertical». «On retrouve beaucoup de ce que nous avons appris dans ECLOSION! Le processus nous a poussés à réfléchir et à dépasser nos limites», ajoute-t-elle.
De son côté, le cinéaste émergent Christian Boakye-Agyeman – qui a rejoint le projet en cours de route avec SENTIERS – y a vu une «opportunité extraordinaire». Et de poursuivre: «Nous cherchions une façon de mener à bien notre court métrage et nous l’avons concrétisé avec Films de poésie. C’était vraiment ce que nous voulions faire ensemble et nous y avons mis toute notre énergie.»
Bien plus encore, Christian Boakye-Agyeman se réjouit de la visibilité des trois courts métrages. «Ils vont être présentés pendant le temps des Fêtes, cela veut donc dire qu’il y aura beaucoup de visiteurs. C’est le début de quelque chose d’autre!» «Et nous savons tous que les visiteurs du Centre PHI sont principalement blancs», précise M Mucyo, chef d’équipe pour Éthéré.
Je me sentais comme dans une fête de famille pendant la soirée de présentation de nos films, ECLOSION! Éthéré et SENTIERS.
Christian Boakye-Agyeman
L’étiquette de la créativité noire
En se présentant à En Flux: Films de poésie avec Éthéré, celui-ci voulait montrer le plus simplement possible un artiste en création, sans nécessairement y apposer l’étiquette noir. «Ça aurait été une réponse trop réactive. Nous avons donc nourri le projet ensemble pour lui donner une narration», se rappelle M Mucyo.
«Quand on parle de créativité noire, nous essayons nous-même de la surinterpréter, car celle-ci est en fait partout, de la façon dont les gens s’habillent à la musique qu’ils écoutent, explique-t-il. Nous devions absolument contextualiser notre projet pour que les institutions le considèrent.»
M Mucyo ne veut toutefois pas laisser sa chance passer. «Avec mon équipe, nous profitons de l’occasion qui nous est offerte par le Centre PHI d’avoir une plateforme. Il ne faut pas oublier les limites mais surtout les efforts de chacun, même si on nous enferme dans une boîte», modère-t-il.
Pour Bethyna Saint Laurent, la créativité noire est un emblème qu’il faut bien utiliser.
«Oui, cette étiquette existe, mais moi, je suis née noire donc je ne sais faire que ça. La couleur de ma peau est essentielle, elle reflète différentes histoires.»
Plus de visibilité
Christian Boakye-Agyeman émet enfin le souhait de «faire partie de la créativité en général». Pour lui, le manque de représentativité est, en ce moment, flagrant. Bethyna Saint Laurent estime quant à elle que les choses évoluent lentement mais sûrement. «On salue de plus en plus notre approche de la créativité, que ça soit dans la mode, le cinéma, ou notre expression et notre manière d’être», dit-elle.
Elle rappelle par ailleurs que parler de la créativité noire est «un point de vue purement occidental». «Moi, je vois ma créativité avant tout. Et notre point de vue créatif nous rend uniques et authentiques.»
M Mucyo pense que le public devrait également prendre ses responsabilités afin de mieux comprendre ses relations avec les communautés noires. «J’aimerais que les gens reconnaissent tous les apports des communautés noires dans notre société et les respectent. Ceux qui écoutent Tiesto savent-ils que la musique techno vient de Détroit? Le but de l’art n’est-il pas de communiquer? Que tout le monde se parle d’égal à égal?», conclut-il.
En Flux: Films de poésie en quelques dates
- Été 2021: appel de candidature
- Septembre 2021: annonce des trois équipes lauréates
- Automne 2021: déroulement des ateliers et création des courts métrages
- Du 13 novembre 2021 au 9 janvier 2022: présentation des courts métrages au Centre PHI