Culture

Arnaud Soly en équilibre entre le cave et le réfléchi

Arnaud Soly

Qu’il joue Despacito à la flûte à bec avec son nez, qu’il personnifie Antonio, le caricaturiste vulgaire en direct sur Instagram, qu’il raconte sur scène sa première relation sexuelle ou qu’il tourne en dérision des phénomènes de société à Club Soly, Arnaud Soly a toujours conquis  son public. Le secret de celui qui a été sacré Découverte de l’année au plus récent gala Les Olivier? Sa faculté d’être toujours en parfait équilibre entre le cave et le réfléchi.

Tu présentes enfin ton premier spectacle solo, Stand Up, qui devait démarrer au printemps 2020. Comment vis-tu ce retour sur scène?

Ça se passe super bien, j’aime beaucoup la scène. Ça a été bizarre de le présenter aussi tard, mais le show n’est pas daté. Je touche du bois en espérant qu’on ne se reconfine pas. Rendu là, j’ai un laisser-aller: je vis avec les changements. J’ai arrêté de m’investir émotivement là-dedans parce que je n’ai pas de contrôle.

Le show n’est pas daté, car tu y abordes des sujets intemporels et personnels, mais est-ce que le recul change ton regard sur son contenu?

Comme créateur, on est toujours amoureux de notre dernière joke. Je n’ai plus un rapport d’excitation comme j’avais au début avec ce spectacle, même si je change toujours des petits trucs. Les moments d’improvisation rendent ça vraiment vivant. Aussi, quand je me mets dans le bon état d’esprit, je retombe rapidement dans la fébrilité des débuts.

Beaucoup de gens t’ont découvert pendant la pandémie avec tes improvisations et tes personnages sur les réseaux sociaux. Sur scène, tu es vraiment toi-même. Quelle facette de toi veux-tu révéler ainsi?

Le stand-up est vulnérabilisant pour moi. J’aime l’idée de me présenter en moi-même, sans costume, sans personnage, sans quatrième mur, avec juste un micro… C’est quand même un peu casse-gueule quand on le remet en perspective. Sur Internet, je peux faire du montage. Sur scène, c’est brut. Bien sûr, je me sers de cette plateforme pour raconter des trucs que je ne raconte pas dans mon show télé. Chaque médium a ses forces et j’essaie de les utiliser à leur plein potentiel.

Parlons de ce show télé, Club Soly. Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu une émission humoristique qui rebondit autant sur l’actualité. Qu’est-ce qui te plaît dans cette formule?

Je pense que c’est la force de la chose. C’est aussi le plus grand défi: rester pertinent et ne pas répéter ce qui a été dit 1000 fois déjà. Avec Internet, ça va vite, tout le monde a une joke sur tout. On essaie de trouver des angles originaux. Il y a une semaine entre l’écriture et la diffusion de chaque épisode, donc il y a toujours un décalage avec lequel il faut se battre. D’un point de vue d’humoriste, beaucoup de choses sont très inspirantes en ce moment dans notre société. Ça fait un bon moteur à comédie.

Justement, comment l’actualité t’inspire-t-elle?

C’est surtout les grandes tendances, comme le racisme, le sexisme, les problèmes en santé, la pandémie… Je suis beaucoup inspiré par les extrêmes, les discours un peu radicaux, tant à gauche qu’à droite… Plus à droite, je dirais. Il y a quelque chose de très riche d’un point de vue humoristique à souligner les failles de certains discours. Ça donne de beaux personnages en tout cas, comme Namastéphanie, la prof de yoga hippie mais antivax.

En regardant Club Soly, on s’imagine très bien voir toi et tes collaborateurs (dont font notamment partie Virginie Fortin, Anas Hassouna, Richardson Zéphir et Katherine Levac) à la barre d’un Bye bye. Est-ce un défi que tu aimerais relever un jour?

Le Bye bye est une institution en humour au Québec. C’est excitant de savoir que plus de la moitié du Québec est devant son écran au même moment, même si c’est ce qui rend ça difficile! Aussi, ça vient avec un budget faramineux, donc on pourrait pousser des trucs super loin, tourner un sketch d’une minute en une journée et bien le faire avec une grosse équipe… Donc oui, définitivement, ce serait un beau projet. En ce moment, on fait un peu le travail du Bye bye, mais à chaque semaine.

Tu te démarques en faisant de l’humour à la fois très niaiseux et très intelligent. Un bon exemple est ton déguisement d’infirmier sexy à Club Soly. Tout en ayant l’air complètement ridicule, tu déplores les conditions de travail des infirmières et critiques les costumes d’Halloween sexistes. Fais-tu ça consciemment?

J’essaie, j’essaie. Ce n’est pas réfléchi à chaque seconde dans la création, mais je trouve très satisfaisante l’idée de passer un message ou d’avoir une approche critique sur un phénomène et de le faire de manière complètement décomplexée, absurde et ludique. Ça me parle. Des émissions comme South Park le font très bien. Il y a toujours un niveau extrêmement engagé et un niveau super immature. J’adore cet équilibre entre le cave et le réfléchi.

J’ai grandi avec Bruno Blanchet, Marc Labrèche, La fin du monde est à sept heures, ça m’a beaucoup formé dans mon humour. Les Bleu Poudre sont des incontournables aussi, ils avaient un petit côté très engagé et très con.

Arnaud Soly, à propos de ses influences
Ton automne a été très occupé. Comment entrevois-tu la suite des choses?

Tu me demandes ça aujourd’hui, et j’ai juste hâte à Noël pour ne rien faire! Club Soly a été un marathon, comme on écrit à la semaine et qu’on est juste deux auteurs [NDLR: lui et Julien Corriveau]. Donc, en ce moment, mes prochains projets sont de faire un casse-tête, jouer avec ma fille, aller me promener, écouter des films, lire, me ressourcer… Après, on verra. J’ai déjà quelques idées de stand-up qui s’accumulent. Éventuellement, je vais retourner dans les comedy clubs essayer de nouveaux trucs. Peut-être une saison 2 de Club Soly, je le souhaite.


Arnaud Soly présentera Stand Up le 17 décembre et le 3 mars au Théâtre Saint-Denis et en tournée partout au Québec.

Le dernier épisode de Club Soly sera diffusé lundi à 19h30 à Noovo.

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