Deux nouvelles séries documentaires aux titres sans équivoque sont consacrées aux féminicides et à la violence conjugale. À une semaine de leur diffusion, Métro a eu accès à Femme, je te tue et Pas une de plus.
En 2020, 21 féminicides ont été perpétrés au Québec. Plus généralement, au Canada, une femme est tuée parce qu’elle est une femme chaque 2,28 jours. Ces données fournies par l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation font froid dans le dos.
Face à une réalité alarmante, Investigation et ICI RDI proposent chacune une émission consacrée à ce fléau qui ronge la société. Sur la première de ces deux chaînes, Femme, je te tue revient sur huit féminicides qui ont eu lieu dans la province dans les vingt dernières années. On se replonge ainsi dans les tragédies que sont les meurtres de Clémence Beaulieu-Patry et de Sonia Raymond, entre autres.
À la croisée des séries documentaires et policières, l’approche est «assez unique», confie la réalisatrice Mariane McGraw. «L’idée est d’aller au-delà de la nouvelle. En incorporant des témoignages au récit journalistique, on donne une dimension humaine. La femme [assassinée, ndlr] est au centre de sa propre histoire», souligne-t-elle.
Selon la comédienne engagée Ingrid Falaise, qui coanime Femme, je te tue avec la journaliste Sarah Bernard, il s’agit «d’un immense problème de société que des hommes s’autorisent à tuer des femmes», dit-elle, émue aux larmes, lors de la conférence de presse.
Il faut se rendre compte que le féminicide n’est pas un fait divers. En tant que femme, j’aimerais aller prendre une marche le soir et ne pas avoir peur. Mais on n’est pas rendu là. En attendant, il faut dénoncer, parler, prendre la parole, oser faire des séries comme Femme, je te tue.
Ingrid Falaise
Fuir la violence conjugale
«On doit parler d’agressions sexuelles, de misogynie, d’exploitation sexuelle, de crimes d’honneur et de violence conjugale, bien évidemment», poursuit Ingrid Falaise, évoquant le spectre immense des féminicides.
De violence conjugale, il en est justement question dans la très intimiste docusérie Pas une de plus d’Ève Lamont. Chaque épisode apporte en effet un éclairage inédit sur le phénomène, alors que l’on suit plusieurs intervenantes dans une maison d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale.
L’une d’entre elles, Georgia, indique que cette immersion a été rendue possible afin de «démystifier ce que sont [les] maisons d’hébergement et l’accueil que les femmes y reçoivent». L’intervenante insiste sur l’approche bienveillante, sans jugement, de telles structures. «Nous accompagnons les femmes dans leur démarche. Si avec Pas une de plus nous pouvons leur montrer qu’il y a des ressources pour elles, nous avons accompli notre mission», ajoute-t-elle.
Sa collègue Mélanie explique également que, contrairement aux idées reçues, ces hébergements apportent «beaucoup de stabilité aux femmes victimes de violence conjugale qui se trouvent dans une tourmente constante». Elle renchérit: «Nous les suivons le temps nécessaire, dans un milieu qui est sain et sécuritaire.»
Il faut parler de la violence conjugale pour qu’elle ne soit plus taboue.
Georgia, intervenante en maison d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale
Des avancements?
«Certaines ne savent peut-être pas qu’elles vivent de la violence conjugale. D’autres vont peut-être se reconnaître dans la série», espère Mélanie. «Ça prend du temps pour comprendre ce que l’on vit, observe-t-elle. Notre travail est de semer des graines, à elles de les arroser.»
De son côté, si Femme, je te tue apporte des témoignages exclusifs, celui de la mère de Marylène Levesque par exemple, la série permet aussi de revenir sur des cold cases. «Ressortir de vieilles histoires peut vraisemblablement mener à de nouvelles informations ou donner envie aux gens de raconter des choses 20 ans plus tard. Ce n’est pas impossible que l’affaire Milia Abrar soit rouverte grâce à l’émission», soutient à ce propos Sarah Bernard.
Enfin, en plus d’exposer les différents visages de cette violence faite aux femmes, Sarah Bernard estime que Femme, je te tue pourrait ouvrir la discussion, éveiller les consciences. Ingrid Falaise, elle, s’interroge: «C’est notre responsabilité de nous demander pourquoi est-ce ça perdure dans notre société. Comment, en tant qu’être humain, je peux être vecteur de changement? Comment est-ce que je peux aider à arrêter toute cette violence, cette prise de contrôle ultime envers les femmes?»