«Les gens parfaits ne sont pas drôles.» Cette philosophie, Edgar Wright l’applique à tous les héros de ses films et particulièrement à celui de son nouveau bébé, The World’s End. Une science-fiction déjantée dans laquelle le réalisateur et scénariste britannique met en scène un raté antipathique et nostalgique qui sauve le monde.
«On a tous connu un Gary King», avance Edgar Wright lorsque nous le rencontrons pendant son récent passage à Montréal. Un qui? Un Gary King. Comme l’antihéros de The World’s End. Le tout nouveau film que Wright a réalisé seul et coscénarisé avec son complice de longue date, Simon Pegg. L’acteur blond, qui a joué dans plusieurs de ses précédents films, dont le culte Shaun of the Dead, incarne désormais le Gary en question.
Mise en contexte : à l’école, Gary, c’était le roi. Il était le plus beau. Le plus stylé. Le plus tombeur. Les années ont passé et Gary est resté le même. Exactement le même. Mais ce qui, à 16 ans, le rendait cute et branché le rend, à 30 ans passés, plutôt pathétique.
Car ce type vit dans le passé. Plus précisément, il revit sans arrêt la soirée du 22 juin 1990. Date à laquelle, après avoir fini l’école secondaire, ses quatre meilleurs amis et lui ont tenté de compléter le Golden Mile. Une épopée épique. Douze pubs, une nuit, une pinte de bière par pub. Ils n’ont jamais fini la run. Vingt ans plus tard, Gary décide qu’il est temps d’achever ce qui a été commencé. «C’est comme s’il essayait de remonter le temps grâce à l’alcool», remarque le cinéaste.
Gary enfile donc ses Docs, son trench-coat et ses habits noirs – «son armure», résume son créateur – et il réunit ses copains qui, par la force des choses, du temps et de son mauvais caractère, se sont éloignés de lui. Puis, il les convainc de le suivre dans cette légendaire beuverie et dans le village de leur enfance. Mais très vite, les choses commencent à déraper. «On voulait mettre en scène une nuit de party qui tourne mal. Pas juste mal. Spectaculairement mal! Tout fout le camp, incluant le reste de la planète», souligne Wright en rigolant.
En effet, après une bataille explosive avec des habitants de leur patelin (on vous garde la surprise sur l’issue de l’affrontement), les cinq comparses réalisent que les villageois ont changé. Et qu’ils n’ont… plus rien d’humain. «Le film aborde aussi la question : est-ce que c’est nous qui changeons, ou l’endroit d’où nous venons? Et la réponse, c’est les deux! remarque Wright. On ne peut pas arrêter le cours du temps. On doit se demander : est-ce que les endroits que nous avons connus dans notre enfance étaient réellement aussi géniaux que dans notre souvenir, ou est-ce nous qui étions jeunes, heureux et insouciants?»
Avec The World’s End, le réalisateur voulait donc démontrer que ce qui appartient au passé n’est pas nécessairement toujours vintage, joli et merveilleux. «La nostalgie peut avoir des conséquences très dangereuses!» lance-t-il.
Reste que, s’il y a un endroit où la nostalgie est souhaitable et agréable, c’est dans la musique. Et c’est pourquoi la bande-son de son dernier film réunit des vieux tubes des années 1990, dont Do You Remember the First Time?, de Pulp, ou So Young, de Suede. «La musique, c’est la meilleure des machines à voyager dans le temps, estime-t-il. Quand j’entends la pièce de Suede, je me revois, il y a 20 ans, avec mes amis au collège.»
Et le 22 juin 1990, que faisait Edgar Wright? «J’avais 16 ans. J’étais à l’école.» Et a-t-il eu une phase gothique comme Gary? «En fait, moi, j’ai passé par une phase où je voulais ressembler au Joker. Sans le maquillage blanc ni les cheveux verts, mais avec ses costumes.» Comme quoi certaines choses sont mieux de rester dans le passé?
The World’s End
En salle vendredi
