Sensation de la dernière Berlinale, Victoria, de l’Allemand Sebastian Schipper, débarque aujourd’hui en salle. Précédé d’une solide réputation, ce drame construit autour d’un plan-séquence virtuose de 2 heures 13 minutes retrace l’éprouvante (fin de) nuit d’une jeune Espagnole, accompagnée de quatre inconnus, au cœur de Berlin.
5 h 42. Victoria, une jeune Espagnole en quête d’aventures, croise à la sortie d’une boîte de nuit quatre potes en goguette. Séduite par l’un d’eux, elle décide de suivre la bande le temps d’une balade. Mais ce qui devait être un moment pétulant se transforme en cauchemar quand l’héroïne se voit mêlée à une mission criminelle. Filmé en une prise, le quatrième film de Sebastian Schipper, 47 ans, se vit comme un pur trip organique. Le réalisateur parle à Métro de cet objet cinématographique à part.
Se libérer des leçons acquises
«L’idée de réaliser un film en un seul plan-séquence a germé à une époque où j’écrivais un scénario qui n’a jamais abouti. Je galérais, j’avais l’impression d’être un mauvais étudiant prisonnier de son putain de bureau. Me lancer dans un tel défi formel était un excellent moyen de me secouer les puces en ébranlant mes acquis. Vous savez, de nos jours, avec l’émergence de caméras de plus en plus performantes, tout le monde sait filmer. Mais pour passer d’un bon film à quelque chose de plus fort, il convient de casser les règles. C’est pour cela que j’ai choisi de faire du cinéma.»
Trouver sa vérité
«Le plus important pour un réalisateur n’est pas de crier “Coupez!” ou “Action!”. Parler aux acteurs n’est qu’une infime partie de ce métier. L’essence même de notre activité, c’est de donner de l’esprit au récit qu’on relate. À l’arrivée, le résultat ne doit pas satisfaire uniquement le metteur en scène. Il faut que chaque spectateur soit touché par une forme de vérité. Ici, c’était un travail d’instinct, spontané, fiévreux. On a improvisé en suivant un parcours qui comptait une vingtaine de lieux. On faisait avec ce qui nous tombait dessus. Si une goutte de pluie ou une fiente d’oiseau atterrissait sur nous ou sur la caméra, le procédé ne devait pas être remis en question pour autant.» (Rires)
Des rôles en or
«Les acteurs sont souvent dans de petites cages, comme des animaux enfermés. On leur demande de rester à tel ou tel endroit, de pleurer, de rire… On les neutralise au lieu de les libérer. C’est la raison pour laquelle certains deviennent névrotiques. Ils sont frustrés, car ils ont les atouts requis pour occuper pleinement l’espace. Il ne faut pas leur faire subir la caméra comme une arme. La caméra, c’est une accompagnatrice. Laia Costa, ma formidable comédienne, et tous les autres membres de la distribution étaient ravis de vivre ce sacré voyage justement parce qu’ils n’avaient pas l’impression de suivre des ordres. Selon moi, incarner un personnage n’est pas une question de performance, mais de présence.»
Victoria
En salle dès vendredi
