Ces retrouvailles avec le public se sont fait attendre, mais elles sont enfin là. Après deux années complètes sans éditions, le festival Osheaga a pu rouvrir ses portes à plus de 8000 festivaliers. Retour sur les moments forts de cette première journée, avec en climax, la prestation sans faute de Charlotte Cardin.
Même endroit, même esprit, mais pas exactement la même configuration
Comme tous les autres festivals avant lui, Osheaga a dû se plier à certaines mesures. Deux grandes scènes, une douzaine de quais pas toujours égaux en termes de vision pour dispatcher les 8000 festivaliers sur le site, et des contrôles systématiques des billets et du bracelet «vacciné!!! paaaarty !!!», sésame obtenu grâce au passeport vaccinal.
Cette version alternative automnale estampillée «Retrouvailles» n’est pourtant pas une «sous-édition», loin de là. Béni par une météo clémente qui n’a pas empêché beaucoup de festivaliers de s’habiller aussi légèrement que pour un Osheaga classique, cette édition avait pour elle de présenter un line up 100% canadien.
Inauguré par les R&B entraînants de Magi Merlin et de l’ontarienne Ruby Waters, cette première journée a vu défiler une dizaine d’artistes canadiens sur les scènes de la Rivière et de la Montagne
On retiendra surtout des shows éclectiques, qui ont touché chacun des festivaliers à leur manière. Parfois de manière énergique comme avec le rock énervé et puisant de JJ Wilde, le rap d’ODIE ou par la nonchalance avec le chill funk de Soran qui lance après quelques morceaux: «Je suis tellement content d’être ici! Esti que ça faisait longtemps que je n’avais pas fait un show».
Chacun à leur tour ils ont évidemment exprimer leur joie et leur soulagement d’enfin retrouver le public, après presque deux ans de diète. La plupart du temps très formel, ce constat pouvait être plus prononcée comme avec Bülow qui demande au public de lever les doigts pour adresse un gros «F**k COVID», avant de reprendre sa pop 90’s libératrice.
Antépénultième concert de cette première journée et alors que la nuit était déjà tombée, The Franklin Electric a su pourtant réveiller la foule avec notamment des extraits de leur nouvel album This Time I See It paru il y a quelques jours. Le charisme de Jon Matte, les riffs énervés de Ken Pressé et l’apport de deux violonistes ont sublimé la partition folk du groupe montréalais qui signe définitivement un des moments phares de cette édition.
Après une prestation du duo DVSN sobre, mais efficace, le public était enfin prêt, chauffé à blanc pour l’arrivée du Phoenix de la soirée.
Charlotte Cardin transcendante
Tête d’affiche, son nom est sur toutes les lèvres, mais aussi sur les hoodies de ses fans venus en masse. Charlotte Cardin était celle que l’on attendait de pied ferme hier soir pour la première d’Osheaga.
Plus de 5 mois après la sortie de son album Phoenix, la musicienne allait enfin pouvoir réaliser son souhait et partager ses chansons avec son public. Et on peut dire qu’elle n’a pas déçu.
Pour ses 1h15 de show, Charlotte Cardin chante, jongle entre piano et guitare et pioche dans tout son répertoire pour un public déjà conquis qui scande les paroles de chaque tube de la jeune chanteuse. Elle s’est tour à tour adressée aux «Sad girls», aux «Main girls» et finalement à tout le monde.
De son côté de la scène, l’autrice-compositrice-interprète démontre qu’elle a déjà tout d’une grande. Avec un show maîtrisé par elle et ses musiciens, des chorégraphies qui oscillent toujours entre sensualité, notamment sur le lascif Sex to Me, le spectacle tourne vite à la démonstration.
«On est tellement content de vous retrouver. Ca fait beaucoup trop longtemps, merci d’être la avec nous», crie-t-elle après quelques chansons. Elle qui n’avait pas fait de show depuis 3 ans à Montréal et qui était sur une scène secondaire à Osheaga 2016, elle semble aussi sous le choc et sur un nuage que son public.
On sait Charlotte Cardin très à cheval sur l’aspect visuel de toutes ses productions, en atteste le show The Phoenix Experience qui avait accompagné la sortie de son album, à mi-chemin entre concert virtuel et expérience cinématographique, ou ses nombreux clips soignés. «En mettre plein la vue» était encore une fois au coeur du projet de l’artiste, avec une mise en scène qui sublime sa prestation et celle de ses musiciens. Que ce soit par des effets de lumière ou des jeux avec les écrans, chaque morceau a droit à sa petite touche. On retiendra notamment le retour de la colombe de XOXO, où elle livre un duo avec elle-même en modifiant sa voix.
Les titres se poursuivent sans un accroc, sans une baisse de régime que ce soit de la part de Charlotte Cardin, de ses comparses Benjamin Courcy et Mathieu Sénéchal, ou du public. Même lorsque la musicienne se retrouve seule sur scène à la guitare pour interpréter Sun Goes Down (Buddy), titre qui lui tient le plus à coeur de tout son répertoire, la magie opère. Elle sera bientôt rejointe par une chorale d’une dizaine de personnes toutes de blanc vêtues, tandis que des fausses bougies virtuels illuminent le stage. Cet instant de grâce persiste pour une deuxième chanson toujours riche en émotions Anyone Who Loves Me, dédié à la place des femmes, et sur laquelle tout le monde peut se retrouver confie Charlotte Cardin.
En guise de bouquet final, une Charlotte Cardin en transe en interprétant le puissant Meaningless, sous une pluie de feu, littéralement. Après avoir poussé un rappel sur Faufile seule au piano, elle s’éclipse enfin en lâchant un «Merci pour tout cet amour». Le public peine à redescendre alors que les différents quais du festival se vident peu à peu.
«Ça fait du bien»
Alors que certains flânent sur le site ou dansent sur le parterre du parc Jean-Drapeau en attendant que le gros de la foule s’engouffre dans une rame de métro, certains festivaliers redescendent doucement de leur nuage.
C’est le cas de Louise, jeune berlinoise fraîchement arrivée à Montréal pour ses études qui était ravie de pouvoir découvrir de cette manière la musique canadienne: «Ça fait du bien. Je me sens en vie. Voir les musiciens qui eux aussi apprécient beaucoup de pouvoir faire la musique en live, c’est génial !»
Maëva était venue spécialement pour Charlotte Cardin, mais cela ne l’a pas empêché de tomber sous le charme d’autres artistes comme The Franklin Electric. «On oublie un peu tous les derniers mois qui ont été difficiles. Je trouve que ça fait du bien de retrouver des gens même si c’est un peu stressant. On a l’impression de revivre un peu et de retrouver des choses dont on n’avait plus l’habitude et ça fait du bien mentalement, on ne va pas se mentir.», confie-t-elle, avant d’elle aussi s’engouffrer dans le métro.
Osheaga ce n’est pas fini, alors que le site de Jean-Drapeau s’apprête à recevoir une nouvelle salve de festivaliers pour cette deuxième journée avec toujours de très beaux noms comme Jessie Reyez, Faouzia, Zach Zoya… Le festival prendra fin dimanche avec en point d’orgue de cette édition, le concert très attendu d’Half Moon Run.