Après 50 ans d’une carrière consacrée à la promotion du cinéma d’ici, Mario Fortin prendra sa retraite en décembre prochain, à l’aube de ses 70 ans. Celui qu’on surnomme «l’homme-pieuvre», car il a des tentacules partout, passera ainsi le flambeau des cinémas de quartier Beaubien, du Parc et du Musée, parmi les derniers consacrés au cinéma répertoire au Québec, à une relève.
Sans Mario Fortin et son «intuition», le Cinéma Beaubien n’existerait sûrement plus. C’est il y a plus de 20 ans qu’il s’est joint au comité de sauvegarde de l’établissement, alors appelé le Cinéma Le Dauphin.
«Je savais qu’il y avait ce besoin-là», a-t-il déclaré lors d’un dîner intime avec la presse, au restaurant Montréal Plaza, mercredi midi, organisé pour souligner son départ, et où la nostalgie et la reconnaissance étaient au rendez-vous.
Mais la vision de Mario Fortin ne s’arrête pas là. En 2013, il se voit confier les clés du Cinéma du Parc par le directeur de l’époque, alors âgé de 70 ans. C’est à ce moment que M. Fortin se dit qu’il travaillera lui aussi jusqu’à son 70e anniversaire. La nouvelle équipe du Cinéma du Parc procède à plusieurs rénovations pour conserver et améliorer le cinéma de quartier.
En 2018, M. Fortin développe un projet de nouvelle salle de cinéma dans l’ancien auditorium Maxwell-Cummings, qui deviendra le Cinéma du Musée.
Les trois cinémas sont des OBNL. Mario Fortin, qui privilégie un modèle de gestion basé sur l’économie sociale, aime aussi le contact facile avec le public que permettent les cinémas de quartier.
«J’ai fait dans ces cinémas-là ce que j’ai fait depuis ma sortie du cégep il y a presque 50 ans. J’ai toujours travaillé dans les salles de cinéma, j’ai toujours gardé le contact avec le public, été à l’écoute du public pour savoir répondre à ses besoins, savoir ce qu’il voulait et le concrétiser. J’ai juste été un passeur», a-t-il mentionné.
L’heure est au bilan
Le PDG s’est remémoré plusieurs souvenirs mercredi, comme la sortie du film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, qui a grandement contribué au «fabuleux destin du Cinéma Beaubien» en aidant à «remplir les coffres dès le départ».
Ou encore la fois où la chanteuse Adele est venue pour un visionnement privé dans une salle du cinéma de quartier, à l’invitation de Xavier Dolan, qui avait réalisé ses clips Hello et Easy on Me. M. Fortin a aussi mentionné qu’il se rappelait avoir dû utiliser trois copies du film Monsieur Lazhar en 13 semaines, car les bandes se désagrégeaient tellement elles avaient servi.
Des membres du conseil d’administration (CA) du Cinéma Beaubien étaient présents pour rendre hommage à «l’homme-pieuvre», dont la contribution va bien au-delà du cinéma. En effet, il avait à cœur le développement économique, social et culturel du quartier Rosemont–La Petite-Patrie.
On est à la fois peinés de la décision de Mario, mais surtout reconnaissants du travail qu’il a accompli.
Patricia Hanigan, présidente du CA du Cinéma Beaubien
Selon elleux, il a été «l’âme du développement de nos cinémas, se préoccupant autant de la diffusion de films de qualité que de l’éducation du jeune public, en passant par la qualité de l’excellence en salle sans oublier le développement du quartier et l’intégration de pratiques écoresponsables».
Le comité compte d’ailleurs bien poursuivre ce legs.
«Le cinéma peut aussi être un lieu où on se dirige pour vivre une expérience ensemble, sortir ensemble, aller au restaurant après, donc ç’a un effet multiplicateur économique qu’il n’y a pas quand tu es dans ton salon et que tu regardes un film sur une plateforme», a dit le réalisateur Philippe Falardeau, qui a siégé plus de 10 ans à ce même CA.
Place à la relève
Si les cinémas de répertoire se font de plus en plus rares devant les mégaplexes et que les fermetures s’enchaînent (dont celle du cinéma Dollar dans l’arrondissement Côte-Saint-Luc annoncée cette semaine), Mario Fortin et son CA restent confiants face à l’avenir.
«Il y a de la relève!», a assuré Philippe Falardeau qui était sur place lors du diner-hommage.
Pour ce qui est de la personne remplaçante à la direction générale, son identité n’a pas encore été annoncée puisque le processus d’embauche est toujours en cours. Elle sera appuyée par deux autres personnes chargées de l’administration et de la programmation.
Même s’il quittera ses fonctions à la fin de l’année, Mario Fortin indique qu’il ne sera jamais bien loin du téléphone pour offrir des conseils. De plus, il siège notamment à l’Association des propriétaires de cinémas du Québec (APCQ) ainsi qu’à l’Association québécoise des cinémas d’art et d’essai (AQCAE), qu’il a d’ailleurs fondée.
On pourra également toujours croiser le cinéphile dans une salle de cinéma ou dans un festival puisqu’il continuera d’aller voir des films.
«Ça fait des années que je vois en moyenne 150 films par année, si j’arrête, je vais être en sevrage! C’est sûr que je vais continuer», a-t-il lancé.