Ceux et celles qui réduiraient le clown aux clichés du bouffon d’anniversaire pour enfants ou de l’horrifique Pennywise du film It seront confondu.e.s! Du 29 septembre au 2 octobre, un cortège d’artistes étonnants et loufoques prendra d’assaut le Gesù dans le cadre de la sixième édition du Festival des clowns de Montréal.
Politique, constructions sociales, féminisme, enjeux autochtones : tant de sujets que les clowns ne craignent pas d’aborder dans leurs prestations, nous apprend la directrice artistique et générale du festival, Vanessa Rigaux, attablée au Théâtre Centaur. Certains s’inspirent même de l’art de la drag queen, nous dit-elle, alternant aisément entre l’anglais et le français tout au long de l’entrevue.
« Oui, c’est light. On aime rire, on aime déconner, mais il peut aussi y avoir une tonalité sérieuse, indique-t-elle. On peut aussi parler de ce qui ne va pas bien, comme si on présentait un miroir. Et des fois, le public va rire et se demander : “Mais est-ce que je ris de ce qui se passe sur scène ou est-ce que je ris aussi de moi parce que j’agis ainsi?” Ça peut être éclairant! »
À l’instar des multiples sujets pouvant inspirer un clown, les arts clownesques se déclinent en une variété de styles : ils peuvent tant miser sur la gestuelle, sur la rapidité des mouvements ou sur des acrobaties qu’ils peuvent raconter une histoire dans une facture plus théâtrale.
« Il y a même un clown qui entraîne des poules », pouffe Vanessa en faisant référence à Mooky McGuinty, qui est de la programmation. « C’est une job spéciale, organiser la venue de poules! »
Des activités à ne pas rater
Le Festival des clowns de Montréal offre avant tout des spectacles de cabaret. Mais il propose également un atelier de personnages ainsi que deux discussions gratuites et atypiques, qui s’annoncent fort enrichissantes.
D’abord, le festival saluera la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation! Le créateur métisse et clown Barry Bilinsky, aux origines cries et ukrainiennes, se penchera sur les perspectives autochtones dans l’art du clown (30 septembre à 17 h).
Ensuite, la professeure à l’Université de Toronto et clown aguerrie Sonia Norris discutera de la nature intime de ce personnage en compagnie d’artistes invité.e.s, les conséquences de la pandémie, et ses contraintes sanitaires, n’ayant pas épargné les arts clownesques (1er octobre à 14 h).
Or, comment reconfigurer l’art tactile et physique du clown dans la foulée de la pandémie?
Les clowns sont des artistes intimistes, ils touchent les gens, ils tirent une oreille. Et ils composent mal avec les règles, ils les repoussent. Comment aller dans une nouvelle direction quand tout est fliped upside down [sens dessous dessous]? The clowns are gonna figure it out.
Vanessa Rigaux, directrice artistique et générale du Festival des clowns de Montréal
Faisons confiance aux clowns pour trouver des solutions.
Montréal, capitale canadienne du cirque
Quand Vanessa a cofondé le festival en 2016 avec sa complice Kendall Savage (qui n’est plus de l’aventure depuis qu’elle a déménagé à Toronto il y a quelques années), les clowns rayonnaient peu à l’extérieur des spectacles de cirque.
Et rappelons que Montréal est une figure de proue en matière d’arts circassiens, la métropole ayant vu naître le Cirque du Soleil, puis une foule de compagnies comme le Cirque Éloize ou Les 7 Doigts.
« Il y a beaucoup de cirque à Montréal, et donc beaucoup de clowns. Et de haut calibre », précise Vanessa.
Celle qui s’est tournée vers l’art clownesque après des études en théâtre à Paris se souvient d’un cabaret de clowns qu’elle avait organisé avant de mettre sur pied le festival, et du grand nombre d’artistes qui s’étaient présentés. « Peut-être qu’il y a de place pour un autre festival à Montréal? », s’était-elle alors demandée. La communauté montréalaise a répondu par l’affirmative.
Cette année, le festival attire non seulement des artistes d’ici, mais également de Toronto, de Régina, de Vancouver, de New York et même du Nunavik. Des prestations qui conjugueront français et anglais — « sans oublier la langue absurde du clown », indique le festival.
« C’est un gros jump », le Gesù, affirme la directrice générale, en comparaison de la petite salle sise boulevard Saint-Laurent qui avait accueilli l’événement à ses balbutiements. « C’est un cadre plus professionnel que par le passé, pour les performeurs et pour le public », souligne-t-elle.
Sans les communautés de clowns, le festival n’existerait pas, conclut avec émotion Vanessa Rigaux. « C’est tellement de travail, mais je suis convaincue qu’on en a besoin. » De cet événement fédérateur, de ces artistes « très singuliers » qui consacrent leur vie à une discipline « absurde » afin de divertir… et peut-être même de faire réfléchir.
« Le clown te choisit ; tu ne le choisis pas », lance Vanessa, rieuse.
Le Festival des clowns de Montréal
Gesù
1200, rue De Bleury