« Le public de théâtre va jamais supporter ça! Mais vous êtes fous, vous êtes sourds, vous êtes malades. Puisque c’est comme ça, foutez-vous-le dans l’cul, votre osti de show! »
Ces vociférations passées aux annales de la culture québécoise sont celles de Paul Buissonneau, regretté cofondateur du Théâtre de Quat’Sous. Et ont donné son nom à L’Osstidcho, le spectacle mythique créé par Robert Charlebois, Louise Forestier, Mouffe et Deschamps en 1968 et qui fait l’objet du fascinant documentaire L’Osstidquoi? L’Osstidcho!, diffusé dimanche prochain à 20 h à Télé-Québec.
Un show qui relevait de « beaucoup d’humour, et d’un peu de n’importe quoi aussi », indique d’entrée de jeu à l’écran l’auteur-compositeur-interprète Pierre Lapointe, qui fait partie de la pléiade d’artistes invité.e.s à commenter l’époque et l’influence du spectacle iconique dans le documentaire.
Mais avant tout, ce dernier met au premier plan les quatre protagonistes de L’Osstidcho tout de blanc vêtu.e.s, comme ils et elles le faisaient sur scène, blanc qui évoquait l’émergence de la noirceur, l’hostie, la page blanche. Car le jeune quatuor a créé quelque chose qui n’existait pas.
Les artistes en relatent la genèse, vidéos et photos d’archives à l’appui — un bonheur pour ceux et celles n’ayant pas eu la chance inouïe de voir de leurs propres yeux L’Osstidcho!
Inédit, innovant, iconoclaste
Le documentaire aborde toutes les dimensions de ce spectacle iconoclaste et égalitaire, qui a coïncidé avec la naissance de la contre-culture au Québec. La musique novatrice de Robert Charlebois et de Louise Forestier, avec des chansons inspirées du psychédélisme américain comme California et Lindberg, s’ancrait dans l’effervescence culturelle de la province.
« Pourquoi on danse pas sur la musique québécoise? », se souvient avoir demandé à son ami Louise Forestier. « C’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, c’est le cas de le dire. Il est allé faire un p’tit tour en Californie, il est revenu… et on a dansé! », s’esclaffe-t-elle à l’écran.
L’on approfondit également la dimension sociale de L’Osstidcho, les personnages d’opprimés d’Yvon Deschamps faisant rire tout en dérangeant. Le documentaire s’attarde aussi à la dimension linguistique, les artistes s’étant approprié le joual sur scène.
Le documentaire replace le spectacle dans son contexte, l’effervescence des années 1960 au Québec, en pleine Révolution tranquille, « la quête d’émancipation d’un peuple », résume l’historien Éric Bédard à l’écran.
Une décennie durant laquelle la société s’est radicalement transformée, donnant à naître des créations phares telles que le film Valérie, le poème Speak White ou la pièce Les belles-sœurs. Une période où la jeunesse est devenue une masse critique et a pris parole.
Sans compter que les pionnier.ère.s de L’Osstidcho étaient marqué.e.s par les manifestations sociales faisant rage aux États-Unis, l’assassinat de Marin Luther-King, mai 68 en France… « Un monde impossible à imaginer pour des gens de moins de 30 ans, dit Yvon Deschamps, pas de téléphone cellulaire, pas d’ordinateurs, pas de chaîne de nouvelles en continu. »
C’est toute cette époque que ravive et explique L’Osstidquoi? L’Osstidcho!
Ce spectacle passé à l’histoire, dont l’héritage excède la sphère artistique, « a foutu la merde dans le quotidien culturel des Québécois », conclut Pierre Lapointe à l’écran. « C’était un symbole de liberté extraordinaire. »