Rencontres

Gab Bouchard : «Grafignes», imaginé dans la peine, créé dans le «fun»

Gab Bouchard

Gab Bouchard fera paraître son deuxième album, «Grafignes», vendredi.

C’est un Gab Bouchard paisible vêtu d’une camisole blanche, reflet de la pochette de son nouveau disque, Grafignes, qui nous attendait à l’étage de la Brasserie de l’Espace public, dans son Hochelaga d’adoption. Et si on le précise, c’est qu’il a naguère embrassé une vie un peu plus «trash» (pour reprendre ses mots), nous dira-t-il en cours d’entrevue.  

À l’orée de la crise planétaire, le natif de Saint-Prime, au Lac-Saint-Jean, sortait son premier album, Triste pareil, dont le folk-rock tourné vers la pop purgeait une peine d’amour. Celui qui a troqué sa coupe bol platine contre une chevelure mi-longue fioriesque n’a pas tardé avant de récidiver, enregistrant sa deuxième offrande au Studio Planet en pleine pandémie, du printemps 2020 à l’hiver 2022.  

Grafignes, qui paraîtra vendredi, est un «album imaginé dans la peine, macéré dans le vin rouge, né dans la noirceur de l’hiver et enregistré dans le fun», énonce le guitariste à la distinctive moustache dans son livret.  

Un album conçu entre chums, des «flos dans la lune» comme Gab et le claviériste Mathieu Quenneville, dont l’amitié sous-tend l’album, ainsi que des plus chevronnés, ses complices Olivier Langevin, de nouveau aux rênes de la réalisation, et Pierre Girard au mixage.  

L’auteur-compositeur-interprète Gab Bouchard, natif de Saint-Prime, au Lac-Saint-Jean, réside dans Hochelaga depuis quatre ans. Photo : Ariana Molly

Ambiances seventies 

De Grafignes émanent des sonorités rock résolument seventies, qui établissent leurs marques dès les premières notes eltonjohnesques de piano de Dépotoir. Cet instrument se trouve au cœur des compositions, magnifiées par les inimitables riffs du guitar hero de Galaxie et de Gros Mené, de ce nouvel opus, dont les arrangements ont pris de l’ampleur. Soulignons en outre la «voix d’ange qui fume des tops» d’Audrey-Michèle Simard qui fait son apparition sur Grafignes et qui se marie avec finesse à celle de Gab — un mariage inspiré de la ballade You and I de Wilco. 

De nouveau, le fils du tueur de drum Pierre Bouchard parvient à traduire les «p’tits cœurs» écorchés, le sien comme celui d’êtres chers, les dépendances «décâlissantes» et les pensées funestes en merveilles de chansons à fleur de peau, infusées de pop et de country. 

«On cherchait des moods plutôt que des accords», raconte Gab, parolier et principal compositeur, qui lors de la création de l’album écoutait pas mal de John Lennon, surtout Plastic Ono Band, et de Leon Russell. Ce dernier a d’ailleurs inspiré «les pianos un peu cirques, les p’tits boutes bizarres», indique le guitariste, qui cite en outre Tranquility Base Hotel & Casino d’Arctic Monkeys.  

Grafignes, deuxième album de Gab Bouchard, a été conçu entre chums, des «flos dans la lune» comme Gab et le claviériste Mathieu Quenneville, ainsi que des plus aguerris, comme Olivier Langevin à la réalisation et Pierre Girard au mixage. Image : Bravo musique

Une famille de chums 

Fort de son «expérience du recording», Olivier «Pantalonē» Langevin a fourni à son jeune protégé une structure dont il avait bien besoin, nous confie Gab «Bagou» Bouchard (vraiment, le livret recèle des perles d’inside).  

Il me challenge à des places que j’ai besoin d’être challengé. Je pense que c’est au niveau humain que j’aime le plus travailler avec lui. Il me pousse, pis il me met un cadre. Pis c’est dur de me mettre un cadre des fois — t’en parleras à ma mère.

Gab Bouchard, au sujet d’Olivier Langevin, réalisateur de Grafignes

C’est son chum-mentor qui le poussait à achever ses textes, l’encourageant même à séjourner au Lac afin d’en terminer. Bon, ça n’a pas toujours été hyper fructueux — «3 semaines au Lac pour 2 phrases» de Ton shift est pas fini, nous apprend notre précieux (oui, nous parlons du livret) —, mais c’est l’idée de se ressourcer pour favoriser l’écriture qui compte.  

Il aura fallu qu’Olivier «Langevino» l’enferme «à clé» dans le studio «quatre-cinq heures, pas de téléphone» pour qu’il termine les quatre lignes manquantes d’une toune. «Je lui montrais dans la vitre que j’avais fini mes lignes. On imaginait déjà la scène de la saison 2 de Cool pareil», raconte-t-il, faisant référence à sa désopilante websérie satirique Cool pareil

Et Gab lui en est fort reconnaissant, lui qui le voit comme un «oncle ben cool chez qui tu vas dormir trois jours pis tu fais plein d’affaires que tu peux pas faire chez ta mère».  

Avec son nouvel album, le fils du tueur de drum Pierre Bouchard parvient de nouveau à traduire les «p’tits cœurs» écorchés, le sien comme celui d’êtres chers, les dépendances «décâlissantes» et les pensées funestes en merveilles de chansons rock à fleur de peau, infusées de pop et de country. Photo : Ariana Molly

Lucifer, nouvel ami fidèle 

Autre pilier dont l’album porte la griffe: son fidèle ami Mathieu «Lucifer» Quenneville, pianiste de grand talent que lui a présenté Alex Burger il y a deux, trois ans, et dont l’amitié s’est transformée en fertile collaboration. 

«Il était partout, il connaît tellement d’affaires, il sait quels boutons tourner. On tripait, on faisait des expériences, on tournait des boutons», se remémore avec affection Gab au sujet de son cocréateur, dont le piano a servi de base aux chansons.  

J’ai toujours voulu avoir beaucoup de piano dans mes chansons. Il y a des synths sur Triste pareil, mais ils arrivaient à la fin des arrangements. Là, Math était là du début, alors c’était cool de bâtir des tounes autour du piano. 

Gab Bouchard, au sujet de Mathieu Quenneville

Ce n’est pas pour rien qu’il lui écrit dans ses remerciements: «[…] cet album-là t’appartient autant qu’à moi.»  

Permettez-nous une légère digression le temps de relater ce coup de foudre amical, trop attendrissant pour être tu. Trois jours après avoir passé Mathieu en audition en vue de la tournée de Triste pareil, Gab l’a invité à un party chez lui, où il est resté à coucher. L’hôte lui a proposé un pyjama, ce à quoi le pianiste a répondu: «Osti qu’on va bien s’entendre si tu m’offres un pyjama pour que je dorme.» «Man, c’était sûr que je t’offrais un pyjama», a répliqué Gab. L’amitié en était scellée.   

Durant la création, Bagou et BébéPoisson (un autre des multiples surnoms de Quenneville) ont eu la liberté d’aller au bout de leurs expérimentations, «comme si on avait dix-huit cent mille de budget», se souvient celui qui trouve que Toutes les filles sont belles.  

«Des cordes, un sax; des fois, on allait vraiment loin dans les arrangements, on dénaturait la toune, pis Langevin, y disait: “C’est pas ça, mais y fallait qu’on l’essaie. Je pouvais pas te dire de ne pas y aller parce que t’aurais tout le temps voulu y aller.”» 

La preuve que les plus fécondes amitiés ne sont pas forcément les plus anciennes.  

À l’approche de la sortie de Grafignes, Gab Bouchard est fier de présenter un album qui reflète celui qu’il est aujourd’hui: «Il y a des trucs que j’écoute sur le premier, pis je me dis: “osti que c’est gossant”, probablement que je vais faire ça avec Grafignes dans deux ans, mais si demain je me fais frapper par une vanne, je serai content d’avoir fait ça à cet âge-là.» 

«Merci à tout l’monde que j’connais pis que j’aime, ceci est mon sang livré pour vous», écrit Gab Bouchard en conclusion du livret de Grafignes. Prolifique en devenir, il espère créer un album tous les deux, trois ans. Alors vivement que se poursuive la saignée! Malgré tout, aussi belle soit la musique tirée de ses grafignes sur le cœur (ou sur les bras d’un être cher), on espère que le bonheur s’est rendu chez lui. 

Grafignes sortira le vendredi 26 août, sous l’étiquette Bravo musique. 

Vidéoclip de Tu m’connais trop bien, chanson tirée de son premier album, Triste pareil, paru en février 2020 

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