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Les drags, c’est pas juste vulgaire!

La drag-queen Rainbow
La drag-queen Rainbow Photo: Alexandre Cormier

La drag queen Barbada de Barbades lit des histoires traitant d’ouverture, d’acceptation et d’estime de soi aux enfants dans les bibliothèques, librairies et garderies québécoises depuis 2016. Cet été, elle a fait l’objet de messages méprisants en ligne de la part d’une minorité de parents outrés par sa venue à la bibliothèque de Dorval et dans une autre de l’arrondissement de Saint-Laurent. 

Or, celui qui enfile les sémillantes tenues de Barbada n’est nul autre qu’un enseignant de musique au primaire depuis 17 ans, Sébastien Potvin. Un pédagogue chevronné, quoi! Barbada fait de surcroît découvrir la musique aux tout-petits dans une émission sur ICI Tou.tv en compagnie d’artistes tels que Klô Pelgag, Les Louanges ou Sarahmée.  

Dans la foulée de cette affaire, nous avons recueilli les impressions de deux drag queens chéries du public montréalais, Gisèle Lullaby et Rainbow.  

Rainbow: « Les drags, on est polyvalentes! » 

« La drag, ça ajoute de la couleur, du party et de la folie. On est là pour amuser les gens, pour les rendre heureux », affirme au bout du fil Frédérick Sylvestre, alias Rainbow.  

Les propos haineux à l’égard de Barbada rappellent que la lutte en matière de préjugés doit se poursuivre à Montréal… et que la diversité de l’art de la drag gagnerait à rayonner davantage.  

« Le rôle de la drag queen, c’est de s’adapter à son auditoire, de bouger vite sur ses talons, illustre Rainbow. C’est sûr que si tu vas dans un bar à 11 h le soir, je ne te ferai pas un récital de ballet. Mais si je suis dans une bibliothèque à 9 h le matin ou que j’anime un spectacle dans une résidence pour personnes âgées, mon humour ne sera pas le même que dans les bars. Les drags, on est polyvalentes! » 

C’est dire que les pétulantes animatrices que sont les drag queens (ainsi que les drag kings) déploient tout un éventail humoristique, variant au gré des publics. Si Rainbow se fait jovialement salace aux côtés de sa chum Mona de Grenoble dans leur émission balado Entre 2  lèvres (en lice au plus récent Gala Les Olivier dans la catégorie Podcast humoristique sans script de l’année), elle peut tout aussi aisément pivoter sur ses escarpins et animer une fête gratuite en plein air à Longueuil réunissant quelques centaines de personnes – ce qu’elle a fait à l’invitation de la Ville elle-même.  

Un petit geste à l’échelle municipale qui peut, aux yeux chatoyants de Rainbow, grandement contribuer à démocratiser l’art de la drag. Tout comme y contribuent diffuseurs et promoteurs en restant ouverts, souligne-t-elle, en programmant des spectacles comme celui de Rita Baga, Créature, partout au Québec.  

Par curiosité, quels sont les événements auxquels elle préfère participer? « Ceux qui fittent le moins avec une drag queen! », s’exclame Rainbow. « J’attends impatiemment de faire un show dans un souper spaghetti des Chevaliers de Colomb! » Quand on parle de polyvalence!   

«Je pense que ce sera la norme» 

En matière de discrimination, la colère gronde en Rainbow lorsqu’il est question d’une frange de gens qui «font reculer des causes». «Et ce ne sont pas certains chroniqueurs et chroniqueuses, dont une en particulier –  appelons-la S – qui sont là pour faire des click bates, qui vont aider en faisant fâcher des gens plus arriérés dans leurs pensées», affirme-t-elle. 

Mais des préjugés à abattre, il y en aura toujours, déplore-t-elle avec lucidité et  sans s’apitoyer. «Il y en a encore sur les gens tatoués [elle en sait quelque chose, elle qui en arbore une seyante collection], ou les gens croyants…»  

Elle discerne néanmoins dans le ciel obscur de cette controverse numérique une lueur salutaire. «[Ces gens] ont ben beau basher, ça fait de la pub aux drags. Ce chialage donne de la visibilité à Barbada. On en parle. Ce sera gagnant pour elle à la longue», estime-t-elle. 

Heureusement, «depuis que j’ai commencé [il y a 11 ans], il y a eu une belle évolution, une belle ouverture», constate Rainbow. «Je pense que ce sera la norme maintenant», ajoute celle qui est aujourd’hui appelée à collaborer avec des marques, ce qu’elle ne voyait pas à ses débuts. Et ce, malgré la retentissante pub de MAC mettant en vedette la célébrissime drag RuPaul, dont la marque de cosmétiques avait fait son égérie… en 1994.  

Nonobstant les préjugés subsistants, l’époque où les drag queens étaient généralement considérées comme des clowns («même si certains le pensent encore», relève Rainbow) lui semble révolue. Et le fait qu’une Barbada lise de nos jours des contes déboulonnant les stéréotypes dans les bibliothèques en est la réjouissante preuve.  

La genèse de Rainbow 

Comment est née Rainbow? «Ça s’est incarné avec une bouteille de Sour Puss et de la paillette!», relate Frédérick Sylvestre, qui lui a donné vie il y a 11 ans. Déjà, lorsqu’il accompagnait sur scène des drags comme danseur, surtout chez Mado, dans le Village, il réimaginait les numéros à sa façon. Il est par la suite devenu barman et shooter girl durant cinq ans, rôle qui a façonné son personnage en devenir. « Il fallait que je vende rapidement de l’alcool pas buvable, et c’est en parlant avec les gens que j’ai forgé le caractère de Rainbow, ce qu’elle aime et ce qu’elle n’aime pas.»  

Rainbow fait un appel à tous

«Venez nous voir! J’invite tous les Claude, Roger et Denis qui se font traîner de force – pour finalement être ceux qui ont le plus de fun! – à nous donner une chance. Et ce n’est pas parce que t’es straight qu’on va te sauter dessus! Il y en a encore beaucoup qui ont peur de ça.» 

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