Avec son troisième album, Emmanuelle, paru fin octobre, l’autrice-compositrice-interprète Rosie Valland a créé des mélodies électro-pop rythmées d’une grande finesse magnifiant plus que jamais son principal instrument : sa voix.
Avec ce nouvel opus, elle s’inscrit résolument dans ce que la musique pop fait de mieux au Québec à l’heure actuelle, les artistes redorant aujourd’hui le blason de ce genre longtemps boudé, voire honni, par les mélomanes à la suite du règne des pop stars dites formatées de la fin des années 90, début 2000.
« On est à une belle ère pour la pop », corrobore Rosie Valland en entrevue avec Métro. « “Pop”, ça veut juste dire populaire, accessible. Avoir un propos nouveau, mais qui évoque quelque chose d’universel, c’est super complexe, en fait. Quand c’est bien fait, c’est un peu, pour moi, l’art ultime. »
Changement de voix
Lorsqu’elle a fait son entrée sur la scène indie rock montréalaise en 2015 avec son premier album complet, Partir avant, Rosie Valland chantait autrement, sa voix plus éraillée traduisant les aléas de la vie nocturne urbaine… ainsi que le désir de plaire et de se mouler à son époque.
« Je me suis forcée pendant des années à essayer d’être indé, d’être cool, de faire de quoi de compliqué. C’était moins à la mode de chanter, on était dans le très alternatif. La voix, on s’en occupait en dernier », explique celle qui a aujourd’hui trouvé l’équilibre entre son nid paisible en campagne et le côté plus festif de la ville, dans son petit appartement rosepatrien.
Quelques années plus tard, un changement de style de vie avait ravivé sa voix claire, qui berçait l’album Blue, sorti à l’orée de la pandémie, sur lequel elle affichait ses couleurs pop baignant dans les décennies 90 et 2000.
Emmanuelle en constitue la continuité. « Mais c’est la première fois que j’ai l’impression d’aller au bout de ma vision, d’où mes maquettes m’amenaient », raconte Rosie, qui a coréalisé son plus récent album avec son amoureux, Frédéric Levac, qui l’a épaulée dans sa direction artistique. « Son seul désir, c’était que j’apparaisse sur cet album, qu’il me ressemble, et m’aider à mettre tout ça en lumière », poursuit-elle.
En composant des chansons mettant sa voix en valeur, elle réalise le rêve de la petite Rose-Emmanuelle (son véritable prénom) qui chantait depuis toujours et qui, influencée notamment par Céline Dion dans les années 90, aspirait à devenir chanteuse. « J’ai l’impression d’être plus proche de cette petite fille aujourd’hui qu’au début de ma vingtaine », fait remarquer Rosie.
La pop coulant de source
Aujourd’hui, Rosie Valland embrasse son amour naturel de la pop, créant des chansons mélodieuses, entraînantes et plus sincères que jamais.
« Et sache que lorsque tu t’endors / je veille ton corps. Est-ce qu’elles arrivent souvent / ces voix qui te disent comment / te mettre en feu constamment / et te perdre dans tous tes tourments? Est-ce qu’elles résonnent même le jour / lorsque je tente à mon tour / de taire tes mantras de sourd / en rassurant tes tourments », chante-t-elle sur l’envoûtante Mantra (l’une des meilleures chansons de l’année, aux yeux de la représentante de Métro), qui représente tout le raffinement des arrangements électro-pop signés Rosie Valland.
Cette dernière n’avait nullement envie de « traîner de la lourdeur » au sortir de la pandémie, mue par un désir très profond de composer de la musique joyeuse, dansante et lumineuse. « J’avais envie d’être dans la fête », résume-t-elle.
La chanson aux connotations féministes Non merci — qu’elle adresse aux gens (de l’industrie de la musique, de prime abord) qui l’ont « mansplainée, infantilisée, rabaissée » — en est un éloquent exemple, sa mélodie entraînante constituant pour Rosie « une douce et sympathique façon de prendre [sa] revanche en dansant ».
Des textes soignés comme jamais
Sur le plan de l’écriture, Emmanuelle contient ses textes les plus soignés jusqu’à présent, souligne Rosie. Après un an et demi à se consacrer à moult contrats de réalisation, la pandémie ayant mis sur pause sa carrière d’autrice-compositrice-interprète, l’urgence de composer s’est fait sentir.
Alors qu’elle avait l’habitude d’écrire ses paroles à partir d’accords ou de mélodies, elle s’y est cette fois attelée d’abord, travaillant minutieusement ses pièces. « J’ai voulu me surprendre moi-même et ne pas me répéter », expose l’autrice, qui a signé de nombreux textes lors de séjours féconds en nature. « Je pouvais revenir d’un chalet avec trois textes finis », illustre-t-elle.
Aujourd’hui, Rosie Valland rêve que cet album « chantant et dansant », qui lui fait du bien, rencontre son public, et qu’elle vibre à son contact en salle.
Elle se souvient que lorsqu’elle étudiait à l’École nationale de la chanson, à Granby, ses profs, constatant qu’elle était capable de chanter des partitions plus complexes que celles qu’elle s’écrivait, lui disaient espérer qu’elle s’écrive un jour des chansons sur mesure pour sa voix. « Je sens que j’y suis arrivée », conclut Rosie.
Rosie revisite Patrice Michaud
Rosie Valland a pris part au Petit voyage organisé de Patrice Michaud, mini-album paru fin octobre sur lequel l’auteur-compositeur-interprète a convié des ami.e.s à revisiter cinq des chansons de son plus récent opus, Grand voyage désorganisé, paru un an plus tôt. C’est une ambiance pianistique feutrée, aux doux effluves jazz et aux délicates cordes en filigrane, digne de l’univers de Leif Vollebekk, qu’a imaginée la créatrice pour La grande évasion.
Emmanuelle
Rosie Valland
Secret City Records
Petit voyage organisé
Patrice Michaud
La maison fauve