Tofu ou bœuf? Tomates du Québec ou du Mexique? Que contiendront les assiettes des dignitaires lors de la COP15 au Palais des congrès de Montréal, un événement consacré à la biodiversité animale et végétale? Des produits locaux, écologiques et éthiques? Métro a tenté d’obtenir une réponse.
Premier constat: l’ensemble est assez diversifié et comprend des repas végétariens et végétaliens, se réjouit l’analyste en saine autonomie alimentaire d’Équiterre, Carole-Anne Lapierre, en zieutant le menu offert par l’entreprise Capital Traiteur.
«C’est un sacré défi de nourrir autant de personnes de façon saine», soutient-elle.
Or, beaucoup de repas contiennent de la viande rouge.
«On a fait le choix de servir par exemple un sandwich au bœuf», souligne l’analyste, rappelant que c’est la viande qui émet le plus de gaz à effets de serre (GES).
Elle critique également l’omniprésence du fromage dans les repas, même dans ceux qui sont végétariens, ce qui est problématique puisque les produits laitiers émettent également beaucoup de GES.
L’aliment qui m’a vraiment surprise, c’est le thon. Jusqu’à récemment, il y avait de la surpêche et c’était une espèce très menacée.
Carole-Anne Lapierre, analyste en saine autonomie alimentaire d’Équiterre
En plus des viandes et poissons susmentionnés, le chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) Colin Pratte critique la présence de fruits tels que les bananes et les avocats dans le menu.
«Ces aliments renvoient tour à tour à de l’élevage et de l’agriculture intensifs, à des pêcheries non renouvelables et à un marché alimentaire mondialisé, soit tous des causes connues de perte de biodiversité», affirme le chercheur, en expliquant que ces pratiques contribuent à l’appauvrissement des sols, à la déforestation et à la perte d’habitat.
«Ce qui est intéressant avec les menus qui tentent de se donner un vernis éthique, c’est qu’on procède souvent sur le mode de l’addition», constate-t-il.
Au côté des options carnées, on va ajouter des options végétariennes. Mais, tout comme la question de la transition énergétique, on doit être plutôt dans une logique de substitution et non d’addition.
Colin Pratte, chercheur à l’IRIS
Peu d’informations sur la provenance
Carole-Anne Lapierre regrette également qu’on ait peu d’informations sur la provenance des aliments et qu’on n’ait pas misé davantage sur des produits locaux et de saison.
Malgré la présence d’une poutine parmi les repas offerts, ce qui est un beau clin d’œil au Québec selon l’analyste, cette dernière n’a «pas senti que l’ensemble était représentatif d’un menu québécois ou d’un menu nordique».
«Je vois des fruits d’un peu partout, mais je ne vois pas vraiment de légumes et de fruits de saison d’ici. On n’est pas obligé de s’en tenir qu’à ça, mais là, ils sont complètement absents. Il n’y a pas de courges, pas de choux, rien de ça.»
Carole-Anne Lapierre aurait également aimé qu’on profite de l’occasion pour promouvoir des produits issus de la forêt boréale.
Compostage et surplus alimentaires
L’équipe médias du Palais rétorque de son côté que les aliments sont sélectionnés avec la volonté d’encourager les producteurs québécois pour les produits de saison.
«Notre équipe se positionne pour la mise en valeur de producteurs locaux, notamment grâce à un approvisionnement majoritairement québécois, précise le Palais des congrès. Plusieurs produits et fines herbes sont issus directement de notre toit vert, géré en partenariat avec AU/LAB, le Laboratoire d’agriculture urbaine lié à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM.»
On ajoute que les éventuels surplus alimentaires seront redistribués à la Maison du Père, un partenaire du Palais des congrès depuis plusieurs années.
«Enfin, la quasi-totalité des contenants utilisés durant la COP15 seront 100 % compostables», affirme le Palais des congrès.
Une brigade verte sera mobilisée sur place durant les heures de repas pour accompagner les délégués internationaux dans un tri adéquat.
L’équipe médias du Palais
Parcours du combattant
Obtenir des informations sur les repas offerts n’a pas été une mince affaire, nécessitant une demi-douzaine de relances par courriel.
Pour accéder simplement au menu, un premier coup de sonde a été fait auprès du Palais des congrès le 21 novembre. Après une conversation téléphonique le même jour avec une membre de l’équipe médias du Palais, nous avions bon espoir d’obtenir les réponses à nos questions, mais finalement, trois jours plus tard, on nous a appris par courriel que l’information était confidentielle.
«Après vérification, il s’avère que ces informations au sujet des services traiteurs, puisqu’elles sont contenues dans un contrat avec l’organisateur de l’événement, sont protégées par une clause de confidentialité», peut-on lire dans ledit courriel.
Métro a donc relancé le Palais des congrès afin de comprendre les raisons derrière cette clause de confidentialité. À titre de prestataire de services, ce dernier est «tenu de respecter la teneur confidentielle de tout contrat conclu avec ses clients ainsi que des modalités y étant associées». L’équipe médias du Palais nous a invité dans un second courriel à entrer directement en contact avec le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique basé à Montréal, organisateur de l’événement.
Suivant ce conseil, Métro a donc tenté de communiquer avec cette organisation, mais sans succès. Face à l’absence de réponse, nous nous sommes donc tourné directement vers Environnement et Changement climatique Canada, partenaire de la COP15.
Le ministère du gouvernement du Canada nous a finalement donné accès le 1er décembre à la plateforme de Capital Traiteur nous permettant d’avoir une petite idée des repas qui seront offerts aux dignitaires.