Un plat sans fermentation en 2021, c’est comme des crêpes sans sirop d’érable. Ça ne se peut juste pas. C’est officiel: le kimchi et ses comparses se sont élevés au rang de classiques dans nos assiettes, remplaçant parfois nos condiments prefs. Métro vous explique comment les aliments fermentés ont – presque – remplacé le ketchup.
C’est la découverte du kombucha qui a attiré l’entrepreneur Pedro Pérez vers ce marché gastronomique autrefois encore émergent. Il a fondé Tout cru! Atelier de fermentation avec Rachel Laberge en 2015. Toute une gamme de kimchis, choucroutes et sauces piquantes a découlé de cette passion inattendue. Le couple s’est assuré que la production était certifiée biologique, locale et en harmonie avec les saisons. Sur l’étalage, le kale en pot cède sa place aux carottes à mesure que l’automne approche.
Sur la rue de Bordeaux, Good Big Nice était une entreprise de traiteur zéro déchet jusqu’à l’éclatement de la pandémie. Les cofondateurs, Nikita Morozov et Emma Lukian, qui agrémentaient déjà leurs sandwichs et salades de choucroute en raison de leur héritage familial, ont profité de la fermeture inattendue et précipitée de leur entreprise pour vendre le fruit de leurs expérimentations fermentées en épicerie. Le succès a été presque immédiat.
Un procédé ingénieux
Mais pour faire fermenter, il ne faut pas simplement laisser nos légumes se putréfier sur le comptoir. On pratique la lactofermentation, qui consiste à enfermer un aliment dans un environnement sans oxygène pour que la bactérie lactique – naturellement dans les produits frais – décompose le sucre et sécrète de l’acide lactique. Cette substance entraîne la prolifération des bactéries lactiques et stoppe la croissance d’autres micro-organismes potentiellement néfastes. C’est pourquoi la nourriture lactofermentée peut être conservée pendant 8 à 12 mois.
C’est une méthode de préservation qui existe depuis des millénaires, lorsqu’il fallait faire des provisions, sans réfrigérateur sous la main. Si la tendance du fermenté est souvent associée aux cuisines santé et végétalienne, des pays comme la Corée, la Pologne et l’Allemagne ont depuis longtemps incorporé ces denrées à leur garde-manger.
Les alliés digestifs
En Occident, la popularité des aliments fermentés a surtout explosé lorsque les masses ont découvert qu’ils pouvaient équilibrer leur microbiote, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes présents dans le système digestif, facilitant la digestion. «La lactofermentation contribue à augmenter et à diversifier le nombre de bactéries présentes dans le tube digestif», confirme Anne-Marie Roy, nutritionniste. Un microbiote harmonieux favorise une bonne santé digestive, immunitaire et mentale. Il réduit les risques de maladies chroniques et permet de mieux gérer l’appétit, le taux de sucre et le poids.
Les personnes qui suivent une diète FODMAP bénéficieront d’autant plus de cet ajout à leur alimentation, car ces aliments causent moins de ballonnements et de gaz. «La lacto-fermentation crée un environnement favorable pour faciliter la digestion», affirme Anne-Marie Roy.
L’apport nutritif des aliments s’en trouve également bonifié, car la méthode crée de nouveaux nutriments comme la vitamine K et B2, et augmente notamment la teneur en antioxydants. Le procédé détruit également une partie des anti-nutriments qui peuvent nuire à l’assimilation. Afin de préserver ce festin nourricier, Anne-Marie Roy conseille d’éviter de chauffer les produits fermentés.
Ceci dit, la fermentation n’est pas une panacée. Emma Lukian conseille d’en profiter avec parcimonie, au même titre que les condiments. Une recommandation appuyée par la science, selon la nutritionniste Anne-Marie Roy: «La plupart des produits fermentés contiennent beaucoup de sel, donc il est préférable qu’ils ne soient pas l’élément central de l’assiette.»
Une symphonie pour les papilles
La lactofermentation a aussi le mérite de métamorphoser le goût. «Un légume fermenté est délicieux, parce qu’il goûte plus sucré, décrit Pedro Pérez. Pour les chefs, c’est une façon d’aller chercher des combinaisons gustatives qu’on ne retrouve pas naturellement.» Antoine Mousseau-Rivard, chef du restaurant Mousso, utilise d’ailleurs souvent des aliments lactofermentés pour donner un goût unique à ses plats.
Des études démontrent par ailleurs que les enfants qui mangent régulièrement de la nourriture fermentée ont tendance à développer un goût plus diversifié et à consommer moins de sucres raffinés une fois adultes.
Pour une véritable symphonie pour les papilles, Emma Lukian et Pedro Pérez sont unanimes: il faut savourer un grilled-cheese agrémenté de kimchi. «On retrouve quatre saveurs primaires: le sucré, le salé, l’acide et l’umami», s’enthousiasme M. Pérez.
Le Québec compte une dizaine d’entreprises spécialisées en aliments fermentés. Il en existe 40 en tout au Canada.
Quelques aliments fermentés à consommer plus souvent
- Miso
- Tempeh
- Choucroute
- Kimchi
- Pain au levain
- Kéfir
- Sauce tamari