Quand vient le temps de déconstruire des mythes sur l’itinérance, Annie Archambault n’a pas la langue dans sa poche! Son compte TikTok engagé Surleborddelaligne compte déjà près de 20 000 abonnés et ça ne fait que commencer… Portrait d’une tiktokeuse solidaire.
Surleborddelaligne, c’est Annie Archambault, une Montréalaise de 31 ans. Assise sur son lit ou sur un banc de parc, elle s’attaque aux préjugés sur l’itinérance une vidéo à la fois.
Dans la vie, Annie est paire aidante à CACTUS Montréal, un organisme de prévention des ITSS qui œuvre notamment auprès des personnes marginalisées ou en situation d’itinérance.
Sur TikTok, avant d’atteindre les 200 000 mentions «J’aime», elle ne songeait pas à la popularité. Tout a commencé il y a cinq mois sur un coup de tête. Plus précisément, après qu’elle a entendu une conversation dans le métro entre deux interlocuteurs frustrés qu’une personne itinérante ait refusé le sandwich qu’ils lui avaient offert.
«Je me suis assise sur un banc et j’ai fait une vidéo pour expliquer que les personnes en situation d’itinérance ont le droit d’avoir des goûts et de ne pas aimer la moutarde par exemple, raconte-t-elle. Si tu donnes un sandwich à quelqu’un, c’est une action que tu fais pour l’autre, pas pour toi.»
Avec sa vidéo «lancée en l’air», elle espérait d’abord toucher les jeunes qui, selon elle, sont ceux qui peuvent faire changer les choses à long terme. Mais le résultat dépasse ses attentes. La vidéo devient très vite virale sur TikTok et finit par être visionnée plus de 20 000 fois.
«J’ai réussi à rejoindre autant des personnes de mon âge que des gens plus vieux», ajoute-t-elle.
Recevant des milliers de messages positifs ainsi que de nombreuses questions, Annie décide de continuer pour lutter contre la stigmatisation de la population itinérante.
Résilience et expérience
Si le sujet la touche particulièrement, ce n’est pas seulement à cause de son métier, mais aussi parce qu’Annie a elle-même connu la rue.
Après avoir été victime de violence conjugale, elle vit un stress post traumatique sévère qui nuit à son quotidien. Perte de confiance en soi, difficultés au travail, consommation de drogues: c’est là que ça dérape.
«J’ai vraiment coulé après ça, malgré mes efforts, et je ne voulais pas voir que j’avais besoin d’aide. Les premières années, j’ai vécu de l’itinérance cachée», confie-t-elle. Comme beaucoup de personnes en situation d’itinérance à Montréal, elle se cachait. Elle passait ses nuits au McDonald ou à la bibliothèque.
«Ça m’a pris beaucoup de temps pour réaliser que j’étais dans la rue», se souvient-elle.
Annie intervient aujourd’hui auprès de jeunes marginalisés de 12 à 30 ans et admet que son expérience de la rue lui a en quelque sorte servi.
«On est vraiment engagés pour notre expérience de vie, précise-t-elle. Par la suite, on est formés sur différents sujets touchant la marginalité et les personnes qui sont dans la rue.»
Parmi ceux-ci, on note la santé mentale, les enjeux que rencontrent les personnes de la communauté LGBTQIA2+ ou issues de l’immigration, les situations de crises, la dépendance, etc. Des sujets qu’elle aborde aussi dans ses vidéos!
Un futur prometteur
Annie souhaite qu’on ne la présente plus seulement comme une personne «ex-itinérante». La vie lui sourit autant dans sa carrière que sur TikTok. On la reconnaît même lorsqu’elle va au dépanneur acheter du lait.
Depuis août dernier, elle vit dans un appartement à son nom. Elle se dit reconnaissante puisqu’il a été meublé en partie grâce à la générosité de ses followers.
Plusieurs abonnés lui demandent déjà quels seront ses projets futurs après son succès sur TikTok. Chaîne YouTube, politique, conférences… Peu importe le choix, il ne sera jamais lié au fame, martèle Annie.
«Ma gratification, c’est que même si t’es pas d’accord, au moins tu as écouté ma vidéo, et peut-être qu’un jour tu vas te rappeler de ce que j’ai dit, mon message va être là», conclut-elle.
Et c’est tout à son honneur.