Comme un savoure un échantillon de fromage aux noix et tomates séchées à l’épicerie, les plus privilégié.e.s d’entre nous ont pu faire la dégustation du télétravail durant les deux dernières années de la panini. Depuis, on a épuisé les blagues de vêtements mous et nos regards se sont perdus dans le vide en pensant à toutes ces relations de bureau légères et insignifiantes sacrifiées au profit d’un mode de travail à distance.
On aurait pu croire que le retour en présentiel serait accueilli avec plus d’enthousiasme, mais l’idée de travailler dans un bureau s’avère désormais difficile à avaler pour certain.e.s millénariaux.ales et jeunes de la génération Z qui ont goûté aux plaisirs de travailler de chez soi.
Faire comme chez soi
En dépit de la panna cotta, un grand nombre de ces travailleurs et travailleuses ont trouvé leur bonheur dans le télétravail et ne voudraient revenir en arrière pour rien au monde, changeant carrément d’emploi ou refusant des offres alléchantes qui les auraient forcé.e.s à retourner au bureau. C’est ce qui est arrivé à Tanya St-Jean, spécialiste des médias sociaux à la pige, qui a refusé un poste parce que l’employeur a changé ses conditions d’embauche pour imposer le travail en présentiel. «[J’adore] la liberté de construire mes journées comme [je veux] et de me faire une routine d’après mes besoins et, bien évidemment, selon mes mandats», souligne-t-elle.
À écouter les personnes interrogées pour cet article sur la réalité du travail à la maison, il faut avouer que le portrait qu’elles en brossent a quelque chose d’un petit coin de paradis: une sieste douillette en après-midi pour digérer son petit lunch homemade, de la zoothérapie à volonté, une pause-bain pour apaiser ses menstruations douloureuses, de sympathiques marches de quartier pour s’aérer le cerveau à l’heure du dîner, le bureau sur le balcon lors des matinées d’été avec une soundtrack de chants d’oiseaux… Sans parler des petits plaisirs que peuvent enfin s’offrir les gens dont les conditions de travail étaient moins permissives.
«[Je peux] boire mon café chaud et snacker quand je veux. Pas funky pour l’employé de bureau moyen, mais révolutionnaire pour quelqu’un qui est habitué à la frénésie de la vie en clinique!» confie Jessica Massy, qui a quitté son poste de technicienne en santé animale pour travailler de chez elle dans un domaine connexe.
Tout ça, c’est sans parler des économies sur le temps, l’argent et l’énergie nécessaires aux déplacements; on dort ainsi plus longtemps et on évite carrément l’heure de pointe en travaillant de chez soi. Des bénéfices importants qui, pour ces personnes ayant refusé de retourner en présentiel, aident grandement à réduire le stress associé au travail.
Le pincement au cœur
Malgré ses nombreux avantages, le télétravail entraîne un manque cruel de sociabilisation. «Les discussions informelles, les liens qu’on développe avec les collègues [me manquent], surtout quand c’est un nouveau travail et que tu n’as jamais vu tes collègues au-delà de l’écran», indique Elizabeth Dupont, désormais conseillère à la mobilisation et aux communications dans le domaine communautaire. C’est une impression plutôt répandue, puisque selon une étude de Slack, le sentiment d’appartenance à une équipe en prend lui aussi pour son rhume (too soon?).
On sait également que le télétravail ne suffit pas à alléger la charge mentale des femmes, même s’il est pratiqué par les deux membres d’un couple hétérosexuel. Le travail à la maison a toutefois l’avantage d’éviter des déplacements aux mères de famille, habituées de toute manière à retrouver le cycle des tâches ménagères à leur retour du bureau. C’est notamment le cas pour Marie-Michèle Patry-Gobeil, agente de soutien administratif, à qui le télétravail permet une meilleure conciliation travail-famille.
«[Mes enfants] rentrent dès que l’école est terminée et je n’ai plus à courir pour faire les repas, des emplettes, partir une brassée. La planification des rendez-vous est tellement plus simple aussi! Notre vie de famille va beaucoup mieux sans cette course complètement éreintante.»
Faire les choses à son rythme
De toutes les personnes sondées, le véritable deal breaker s’avère la quête d’un meilleur équilibre entre le travail et la vie privée. Cette nouvelle vague de travailleurs et de travailleuses refusant désormais le retour en présentiel se savent capables de livrer le meilleur d’elleux-mêmes dans un environnement de travail qui s’adapte à leurs besoins, plutôt que l’inverse. Et si ça rend heureux nos petits compagnons poilus, ça a de quoi nous rendre heureux.ses aussi.