Si l’on en croit les titres d’articles de plusieurs médias français (Grazia, Ça m’intéresse, Gentside) parus récemment, la question se pose. Cette interrogation émerge à la suite d’une étude parue en 2022 dans le Journal of Neuroscience qui démontre «une corrélation claire entre la fréquence de l’activité sexuelle et l’épaisseur du cortex somatosensoriel qui permet de percevoir les stimulations génitales». En résumé, on constate que les femmes* qui ont participé à l’étude ont développé une plus grande sensibilité de l’aire du cerveau qui est liée au clitoris. Ce qui est une nouvelle franchement intéressante en soi. Cependant, l’information a été reprise en laissant parfois planer l’idée que «haute fréquence sexuelle» rime avec «intelligence». Et j’ai un peu envie de dire: minute papillon!
D’abord, l’étude en question, aussi importante soit-elle pour la recherche, possède un échantillon de… 20 personnes. C’est très peu et, surtout, insuffisant pour faire une généralisation. De plus, si la portée de cette étude peut avoir des impacts importants sur la compréhension de certaines conditions comme, par exemple, l’incapacité à atteindre l’orgasme, il demeure qu’il y a un danger à tomber dans les injonctions.
Je m’explique: même si les journalistes qui se sont intéressé.e.s à l’étude ont, pour la plupart, spécifié en fin d’article que l’intelligence n’était pas remise en question, il demeure qu’il y a ici un danger à créer un clivage entre les femmes qui sont très actives sexuellement et celles qui le sont moins. Alors que l’on essaie de plus en plus de sortir de l’idée d’une «compétition» qui existerait entre femmes, l’idée n’est pas de renchérir en faisant sentir que certaines femmes sont plus «développées» que d’autres. D’ailleurs, vaginale versus clitoridienne; ça vous sonne une cloche? C’est une division qui perdure encore à propos des personnes avec un vagin, alors qu’elle n’a pas lieu d’être; on sait maintenant que le clitoris est l’acteur principal derrière le plaisir dit féminin (cela dit sans tomber non plus dans une autre injonction à ne valider que le clitoris!). Pourtant, de nombreuses femmes ont longtemps cru être défectueuses du fait de ne pas savoir où se situer dans cette classification. Évitons d’encourager l’idée de classer encore les femmes entre celles plus «fonctionnelles» et celles qui le seraient moins.
De plus, je ne peux m’empêcher de penser au fait qu’on a très longtemps considéré les femmes comme des personnes frigides, peu intéressées par les choses du sexe. Dès l’Antiquité, on parlait d’une froideur corporelle qui empêchait ces dernières d’avoir les pulsions sexuelles que les hommes ont supposément (ceci est aussi un mythe). Cela a mené à l’élaboration d’un discours culpabilisant, mais également plutôt violent envers ces dernières. En effet, on peine encore à sortir de l’idée qu’une femme doit être forcée pour avoir de la sexualité. Vous en doutez? Repensez à toutes les vagues du mouvement #MeToo.
Bref, sans être alarmiste, disons que ces approches pour discuter de sexualité féminine peuvent laisser un certain espace disponible pour que les raccourcis s’installent. Un exemple? Une femme pourrait bien se faire dire de se forcer à avoir une relation sexuelle, parce qu’en plus, ça rend plus intelligente/ça développe le cerveau!
En somme, je nous incite à nous questionner sur nos façons d’aborder la sexualité at large, question de nous assurer de ne pas reconduire des diktats sexuels qui peuvent nuire à l’épanouissement et au bien-être. On commence à peine à aborder les différents pans de la sexualité autrement et à déconstruire des milliers d’années d’obligations et d’impositions de toutes sortes. Essayons donc de ne pas en créer de nouvelles.
*J’utilise le mot «femmes» en référence à l’étude, qui a été faite exclusivement sur des femmes cisgenres, ainsi que pour parler des injonctions relatives aux femmes cisgenres à travers l’histoire.