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Tendances bière: qu’est-ce qui se brasse au Québec?

Après l’essor fulgurant des IPA il y a déjà de nombreuses années et l’émergence des sûres, quelles tendances observent les pros?

Les palais des adeptes de bières ne cessent de se raffiner et d’évoluer au gré des délices houblonnés que produisent les microbrasseries du Québec, un terreau fertile dans le domaine.  

Après l’essor fulgurant des IPA il y a déjà de nombreuses années et l’émergence des sûres, Métro a demandé à des pros les tendances qu’ils observent et ce qui se profile.  

En cette Journée internationale de la bière, santé!  

La folie IPA ne dérougit pas  

Kevin Moreau, qui a ouvert en 2020 avec Guillaume Lallier l’épicerie spécialisée en bière de microbrasserie La Canette, rue Saint-Hubert, dans Villeray, dénote deux grosses tendances chez sa clientèle : les lagers… et les IPA. La popularité des IPA ne dérougit pas, affirme-t-il. Ni celle des sûres, d’ailleurs. Ce que corrobore Marc-André Roberge, brasseur depuis quatre ans à Montréal. « Au Québec, l’on est encore dans la vague des sûres et des IPA. » 

Ces 10 dernières années, au Québec, Kevin a vu l’ascension des bières américaines plus ambrées, résineuses, telles que les IPA, la fameuse Yakima de la micro Le Castor représentant très bien à ses yeux le milieu brassicole d’il y a une décennie.  

Puis sont arrivées des IPA plus juteuses, comme l’emblématique IPA du Nord-Est de Boréale. « Ça a pris tout le monde par surprise, se souvient-il. Et c’est encore la folie furieuse pour ce style. » 

Aujourd’hui, les New England IPA, dites NEIPA, ont la cote notamment, « un profil tropical, voilé, un peu lourd, un peu sucré. On en trouve de très haut calibre », indique le cofondateur de La Canette.  

À gauche, deux lager : la pilsner tchèque Nymphe de La Fosse et la vienna Belvédère de 5e Baron. À droite, l’IPA Onet de Nanocinco et la New England IPA Canal fatal de Messorem Bracitorium. Photo : Kevin Moreau

Des sûrettes adoucies 

Le gérant du Bièrologue, épicerie d’Hochelaga-Maisonneuve spécialisée en bières, vins et cidres québécois, cofondée en 2012 par Suzie Laframboise et David Deschênes, observe lui aussi un engouement toujours aussi vif à l’égard des sûres, celles aux fruits particulièrement, « moins épaisses que les types smoothie, mais tout aussi désaltérantes et souvent moins fortes en alcool ». Les sûres aux saveurs de bonbon, de type slush, gagnent en popularité, constate Benjamin Bousquet.  

Le cofondateur de La Canette fait remarquer que les surettes, dont la popularité ne cesse de croître depuis cinq ans, dit-il, se sont adoucies avec le temps. « Les premières qui sont arrivées étaient des casse-mâchoires, se souvient Kevin Moreau. Aujourd’hui, c’est acidulé, agréable, léger — une buvabilité que l’on retrouve dans les lagers. » 

Marc-André Roberge a l’impression que la vague des bières sûres aux saveurs de desserts, plus sucrées, a, elle, passé. « Les gens qui en boivent n’en boivent pas beaucoup d’un coup; ce n’est pas dans la catégorie des bières “pintables” », relève-t-il.   

Les bières de soif en recrudescence  

La prépondérance des IPA a engendré un retour des lagers, des bières légères plus délicates et rafraîchissantes. La suite logique de l’engouement pour les IPA au goût très prononcé ou les sûres très sucrées de type smoothie, selon Marc-André Roberge. « On est plus rendu dans les Pale Ales plus tranquilles. » 

« Une bière devient populaire, on exagère, donc on ramène ça à quelque chose de plus régulier », illustre-t-il.  

Kevin Moreau, de La Canette, constate également cette résurgence marquée des styles plus classiques européens, tels que les bières d’inspiration allemande ou tchèque, des pilsners, des lagers, blondes ou un peu ambrées. « Sans être un retour aux sources », c’est un retour de styles ayant émergé au 18e siècle, fait-il remarquer. 

« En plus d’avoir eu un renouveau de lagers en Amérique du Nord, leur niveau a vraiment augmenté, à l’international aussi », souligne-t-il. 

Marc-André a l’impression que l’avenir réside dans ces bières de soif — une appellation que Boréale a popularisée ces dernières années et qui apparaît aujourd’hui beaucoup plus sur les canettes de micros, relève le brasseur —, souvent moins fortes en alcool, précise-t-il, tout en restant houblonnées. 

« C’est le balancier. Le sucre, les fruits, les houblons, O.K., j’en bois une, je suis content, mais après, j’ai peut-être le goût de boire ce que je buvais avant, qui était peut-être de la Budweiser. L’entre-deux, c’est peut-être ça, mais en plus goûteux. Ça va venir par les lagers de microbrasseries, à mon avis, qui commencent toutes à en faire. Et cette expertise s’acquiert. Je sens qu’il y a une volonté de les ramener à quelques ingrédients, à une certaine pureté, une simplicité, à l’équilibre. » 

« Plus tu en bois, plus tu vois qu’il y a une délicatesse et une complexité dans les lagers », souligne Kevin, de La Canette. « Si tu fais une erreur dans ta recette de lager, ça va sauter au nez tout de suite. Si tu fais une erreur dans ta New England, tu vas pouvoir l’ajuster, et ça va passer », dit-il, sourire en coin. 

Bières vinales, nano et autres « nouveautés » prisées 

Actuellement, le gérant du Bièrologue voit plusieurs types de bière susciter l’engouement sur les étals de la boutique sise rue Ontario, dont les vienna, bières hybrides faites avec du marc de raisin, « des bières plus vinales relativement légères », précise-t-il, ainsi que les goses parfumées, « pas juste classiques ». 

Les bières faibles en alcool, comme les nano, ont également la cote. « Chaque fois qu’on rentre une nano dans un frigo, dans la semaine, on n’en a plus », dit Benjamin Bousquet.  

Des styles moins connus s’attirent en outre de plus en plus les faveurs des adeptes de bière, tels que les gruits, des bières sans houblons, « très florales, très herbacées », précise-t-il, ainsi que les California Common, « une bière de soif plus, plus ».  

Et comment ces spécialistes se tiennent-ils au courant des tendances faisant vibrer le monde brassicole? Kevin Moreau et Benjamin Bousquet se réfèrent pour leur part beaucoup aux réseaux sociaux des microbrasseries. « Mais il y a tellement de micros qui encannent aujourd’hui, c’est dur de tout avoir », rappelle le copropriétaire de La Canette. 

Les nectars qu’abrite le Bièrologue sont un mélange de ce que la clientèle (férue de bière, il va sans dire) réclame, des goûts de l’équipe et de ce qui se passe dans les microbrasseries, indique le gérant. 

Des tonneaux tchèques chez Godspeed Brewery  

Reflet de l’engouement pour les bières classiques d’origines européennes? La microbrasserie torontoise Godspeed Brewery, fondée par Luc Lafontaine, ex-brasseur chez Dieu du ciel!, a reçu l’an passé des tonneaux d’une brasserie tchèque existant depuis le 16e siècle… qui n’avait jusqu’alors jamais partagé ses tonneaux, raconte Kevin Moreau, de La Canette.  

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