À table

L’amour à l’état pur

Bonne nouvelle : la technologie médicale peut maintenant prévenir ou traiter de nombreux handicaps; la méningite ne risque pratiquement plus de causer la surdité, les malformations peuvent être mieux traitées et la poliomyélite est pratiquement éradiquée.

Mauvaise nouvelle : de nombreux troubles ne peuvent encore être prévenus ou traités, et certains troubles liés à l’âge de la mère, comme l’autisme, sont en hausse.

De temps à autre, des parents doivent relever le défi d’élever un enfant handicapé. Lorsqu’on leur apprend la nouvelle, la plupart sont atterrés. Les rêves d’études universitaires, de bourses sports-études, d’une maison remplie de petits-enfants, font place aux incessantes hospitalisations et à la préoccupation du bien-être de l’enfant à long terme.

Ma fille, Thi Thu, est sourde. Ce n’est pas une handicap majeur : elle communique bien en langue des signes, a de nombreux amis, un rire contagieux et un caractère joyeux, mais elle vit tout de même dans un univers restreint. Alors que ses frères et sœurs conduisent la voiture, vont au cégep et travaillent à temps partiel, elle fréquente encore l’école secondaire à 19 ans. Elle a beaucoup de réticence à interagir avec le monde entendant et elle dépendra encore beaucoup de nous, pendant quelques années.

Thi Thu a passé de nombreuses années au Centre de réadaptation MAB-MacKay, où j’ai eu l’occasion de voir des enfants ayant des limitations physiques à divers degrés, dont certains très prononcés. Si un éventuel parent entrait dans un tel établissement et voyait les enfants en fauteuil roulant, il paniquerait probablement à l’idée d’avoir un enfant handicapé comme ceux-là. Mais, vous savez quoi? Je crois qu’aucun parent d’enfant handicapé ne changerait de place avec qui que ce soit : l’amour c’est l’amour, et un handicap n’y change rien.

Vous croyez peut-être que vous vous sentirez mieux si votre enfant arrive à la maison avec un diplôme universitaire que s’il vous apporte un petit gâteau un peu croche confectionné à son cours de cuisine, mais, curieusement, ce n’est pas le cas, parce que l’amour ressenti à ce moment-là est pur.

En fait, ce lien peut souvent être plus fort. Quand on pense aux bébés, ils sont tous parfaits. Ils ne sont pas assez vieux pour exprimer autre chose que des émotions à l’état brut : joie, faim, irritation, curiosité, rire. Il n’existe pas de conflits, pas de représailles, de ressentiment ou de brouilles. L’innocence des jeunes enfants met en lumière le lien direct entre parent et enfant.

Ce lien à l’état pur est ce que ressentent les parents d’enfants handicapés. L’incapacité de l’enfant à fonctionner comme les autres (parler, étudier et être autonome) n’altère en rien ce lien. C’est de l’amour à 100 %, et il n’existe rien de mieux.

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