Pour marquer la Journée mondiale de la photographie, le 17 août, voici le portrait de Jacques Lebleu, un artiste qui a décidé de mettre en lumière le nord de Montréal.
«J’ai fait des photos dans d’autres villes et je me suis aperçu qu’on va vers des choses plus connues quand on fait un voyage, toutefois mon œil ne changeait pas. Je recherchais les mêmes sujets. À partir de ce moment-là, je me suis rendu compte que tout ce qui était autour de moi avait autant de valeur que des sites célèbres», explique ce résident d’Ahuntsic depuis plus de 20 ans.
Une approche en photographie qui lui permet d’explorer les rues, les parcs, les terrains de sport, les monuments qu’il connaît par cœur à force de les côtoyer à vélo.
«Je vois une façon paysanne dans ma démarche. Quelqu’un qui maîtrise son territoire peut savoir à quel moment de l’année le soleil sera à telle place et quelle lumière il aura», relève-t-il.
En tant qu’artiste, il veut s’éloigner des fioritures et du sensationnalisme. «Je n’essaie pas d’avoir un style artistique quand je fais de la photo. Je suis assez classique. Je suis préoccupé par la lumière et soucieux de documenter de manière sensible ce que je vois», explique-t-il.
Observations
M. Lebleu a monté plusieurs expositions dans lesquels la photo côtoie souvent d’autres œuvres plastiques, mais quelques fois, elle prend toute la place.
Sa dernière, présentée l’an dernier au chalet d’accueil du parcours Gouin, s’intitulait Versant Nord, une exploration du nord de la ville à travers 60 images prises entre 2004 et 2019.
«Je fréquente son territoire en le scrutant, en cherchant à garder contact avec la terre qui soupire sous l’asphalte, avec la rivière. Je note l’évolution de son cadre bâti et ce que ses transformations successives révèlent du passage des humains», écrit-il dans la présentation de cette exposition.
Passion
M. Lebleu a commencé à faire de la photo à l’adolescence, dès qu’il a pu disposer d’une chambre noire à l’école – c’était bien avant les appareils numériques – alors qu’il était en secondaire 4.
À cette époque, il a aussi dévoré tous les livres de photographie publiés par Time Life, notamment la collection The Kodak Library of Creative Photography.
«J’ai commencé à en faire en noir et blanc parce que c’était accessible économiquement», raconte-t-il.
D’ailleurs, il n’est pas peu fier de son cliché d’un couple qui s’embrasse au Square Philips pris en 1976, qu’il qualifie de sa «première photo réussie».
Cette passion naissante sera soutenue par des études en graphisme et en art. «Je suis allé étudier en création en art plastique à l’UQAM, c’est comme ça que ça s’appelait à l’époque», dit-il.
Toutefois, les exigences de la vie de famille pousseront M. Lebleu à mettre en veilleuse ses aspirations avant d’y revenir avec force à partir de 2014.
Même s’il fait beaucoup de photos, ce n’est pas le gagne-pain de ce jeune retraité de 61 ans. «C’est à la fois triste et heureux. Le matériel coûte cher, mais en même temps je n’ai pas de contraintes sur mes sujets. Je ne peux blâmer personne à ce propos: je n’ai jamais cherché à faire de l’argent avec mes photos», confie-t-il.
Toutefois, il espère que ses nombreuses expositions lui permettront de maintenir la conversation avec le public pour échanger sur ce qui le motive et sur ce à quoi il est sensible.