Le texte jugé raciste envers les Amérindiens, inscrit sous la statue de Nicolas Viel devant l’église de la Visitation a été masqué. Il suscite la controverse depuis des années. La décision de le dissimuler donne le temps aux autorités religieuses et culturelles de trouver une solution durable.
Ce sont des étudiants universitaires accompagnés d’une professeur qui étaient de passage l’été dernier dans le quartier qui ont soulevé le problème.
«Ils étaient vraiment énervés, raconte le père Louis-Marie Butari, administrateur paroissial et curé de la Visitation. Leur enseignante était venue me voir et m’avait dit que c’était inacceptable de garder un tel texte.»
Le prêtre reconnait qu’il n’avait jamais vraiment prêté attention à ce qui était écrit avant que les étudiants n’en parlent.
«Quand j’ai lu, j’ai été vraiment choqué», confie-t-il.
Le texte raciste recouvert dit: «Ce monument a été érigé le 24 mai 1903 par les paroissiens du Sault-au-Récollet en mémoire du R.P. Nicolas Viel, premier martyr canadien jeté par de méchants Hurons, au dernier Sault de la rivière des Prairies au printemps 1625.
Depuis la mort d’un pauvre misérable Français massacré aux Hurons, on a découvert que ces barbares avaient fait noyer le R.P. Nicolas, récollet, tenu pour un grand homme de bien. Relation du P. Paul Le Jeune 1634.»
Le prêtre a pris l’initiative d’appeler l’archidiocèse pour trouver une solution. Une personne de la pastorale sociale s’est rendue à l’église cet hiver. C’est à ce moment qu’ils ont apposé une feuille de plastique opaque autocollante pour cacher l’inscription sans l’abimer.
«Nous attendons de voir avec le ministère [de la Culture] et les services du patrimoine ce qu’il y a lieu de faire», indique le père Butari.
Pas nouveau
L’inscription a déjà suscité des questions dans la communauté. Le média communautaire Le journal des voisins en avait fait mention dans un long article publié en 2018.
Ceux qui s’intéressent à l’histoire considèrent qu’il est temps de faire quelque chose. Bernard Vallée, animateur en histoire et en patrimoine, qui a déjà organisé des visites guidées pour les touristes à Montréal, n’hésite pas à qualifier le contenu d’odieux.
«Je ne suis pas historien, mais on sait que ce qui est inscrit n’est pas avéré», observe-t-il.
Il se fonde notamment sur les travaux de l’historien Marcel Trudel qui souligne, au-delà des qualifications dont on a affublé les Hurons, que rien ne prouve que Nicolas Viel et son accompagnateur Ahuntsic aient été assassinés par des autochtones.
«On aurait pu mettre une autre plaque pour expliquer le contenu de l’ancienne et rectifier les faits même si on ne peut pas trancher», relève-t-il.
Un avis que partage le conférencier, animateur historique et chercheur Stéphane Tessier. Lui-même accompagnait des visiteurs de l’église et expliquait le contexte de cette inscription. Pour lui, ce texte n’était plus actuel. Il était offensant.
«Il est à la limite raciste. Il a été écrit à une époque où même les intellectuels ne voyaient pas le Québec très diversifié», souligne-t-il.
Le coprésident de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville, Yvon Gagnon assure que la contextualisation des faits historiques est incontournable sur des monuments controversés. «L’idée fait son chemin d’ajouter des textes afin expliquer pourquoi les sociétés d’une époque donnée en sont arrivées au besoin de commémorer ces faits et le rôle de ces personnes», mentionne-t-il.
Toutefois, il croit que ces mises en contexte ne devraient pas permettre de maintenir sur la place publique les monuments élevés à la gloire des génocidaires et des propagateurs de haine.