Pancartes et slogans étaient au rendez-vous devant la mairie d’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve en début de soirée le 6 mars, juste avant que les élus ne se réunissent pour leur assemblée mensuelle. Les raisons de la grogne? Le fait que l‘Arrondissement s’apprêtait à autoriser la coupe d’un boisé par un promoteur immobilier, et ce, malgré l’opposition citoyenne, une promesse de conserver les espaces verts et les engagements pour le maintien de la biodiversité pris par la Ville de Montréal lors de la COP15.
Malgré la manifestation et le fait que les deux élus de l’opposition, Alba Zuniga Ramos et Julien Hénault-Ratelle, aient voté contre la résolution, le conseil d’arrondissement a en effet autorisé la signature d’une entente avec Les Placements J.M.F. pour des travaux d’infrastructures nécessaires à la réalisation d’un développement résidentiel mixte, lors de l’assemblée.
Ce développement prendrait place dans un lot situé à l’est du boulevard de l’Assomption, entre la rue de Marseille et l’avenue Pierre-De Coubertin, qui abrite un boisé qui mérite d’être défendu, croient plusieurs citoyens, élus et organismes.
Une coupe impossible à arrêter?
Interrogé par des citoyens, le maire de l’arrondissement, Pierre Lessard-Blais, a expliqué que ce n’était pas sa volonté d’accorder un tel permis à l’entrepreneur. L’Arrondissement serait cependant lié par l’État de droit et les lois, a-t-il soutenu. «On paierait des pénalités au promoteur si on refusait ce permis», a justifié le maire.
L’Arrondissement a en effet affirmé être obligé d’autoriser cette entente en raison du Programme particulier d’urbanisme (PPU) d’Assomption Nord, adopté en 2016 par l’administration précédente. À ce moment-là, l’Arrondissement n’avait pas priorisé les boisés et le PPU «ne donne pas assez d’espace pour les espaces verts», a expliqué M. Lessard-Blais.
«On peut remettre en question le capitalisme et l’État de droit, mais du moment où une entreprise a un terrain et qu’elle respecte le zonage qui a été fait, on ne peut pas s’y opposer», a poursuivi M. Lessard-Blais, en réponse à une question d’un citoyen engagé pour la préservation du boisé, François Plourde.
Un projet controversé
«Le boisé est d’une belle qualité, il est très ancien», souligne Anaïs Houde, porte-parole de l’organisme Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM, en entrevue avec Métro. Elle soutient qu’il accueille une végétation riche et peu commune pour Montréal. Des observations menées par François Plourde montreraient en effet qu’il s’agit d’un boisé comportant des espèces rares.
Un boisé ne représente pas la même valeur qu’un parc aménagé, défend l’organisme environnemental. De nouveaux arbres prendront des décennies à atteindre l’intérêt écologique des vieux arbres qui auront été coupés.
C’est tellement frustrant de voir que nos élus vont davantage défendre le droit à la propriété de compagnies qui détruisent le territoire que le droit à un environnement sain pour la population.
Anaïs Houde, porte-parole de Mobilisation 6000 Parc-Nature MHM
Mme Houde note par ailleurs que le projet immobilier ne respecte pas les règlements sur le plan du nombre d’étages et du minimum de logements sociaux. Si elle ne s’oppose pas à la densification, Mme Houde estime tout de même que l’objectif de celle-ci devrait être de «libérer l’emprise au sol», mais pas de raser un boisé.
«Il ne s’agit pas réellement d’un projet TOD [Transit Oriented Development, soit un développement orienté autour du transport collectif]; il va longer le boulevard l’Assomption, qui, avec sa prolongation, va amener de nombreux camions», s’est indignée la porte-parole lors de la période de questions de l’assemblée de lundi.
Un quartier aux besoins verts
Le secteur Assomption Sud-Longue-Pointe est réputé pour la présence de nombreuses industries. Le boisé de la station de métro Assomption est ainsi un des rares espaces verts de l’arrondissement.
Mercier–Hochelaga-Maisonneuve est en effet très asphalté et les îlots de chaleur y sont monnaie courante, soutient Anaïs Houde, qui ajoute que l’arrondissement fait partie de ceux comptant le plus grand nombre de décès lors d’épisodes de canicule. «Les lieux qui perdent leur canopée, l’espérance de vie y diminue», avance Mme Houde. Les milieux boisés sont donc la solution contre les îlots de chaleur, rappelle-t-elle, mais aussi contre la sécheresse et les inondations.
«L’expropriation [du promoteur immobilier qui possède le boisé] et ses frais auraient été plus coûteux sur le moment, mais plus bénéfique sur le moyen terme, avance Anaïs Houde. Les administrations doivent envisager la planification du territoire sur une période de 20 ans, pas de 4 ans», conclut-elle.