L’Enquête internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) rappelle ce triste chiffre: 49 % des Québécois âgés de 16 à 65 ans ont des difficultés de lecture. Dans l’arrondissement de Mercier-Est, l’organisme du CLEM tente de renverser la tendance en offrant des ateliers d’alphabétisation. Immersion
Concentré devant son ordinateur, casque sur les oreilles, Roco appuie lourdement et lentement sur les touches de son clavier. Rien ne laisserait supposer qu’il compte parmi les 800 000 Québécois qui souffrent de très faibles connaissances en lecture. Autour de lui, s’affairent d’autres «élèves» qui viennent régulièrement au CLEM, le centre des lettres et des mots de Mercier-Est.
Ce mercredi matin, ce sont les cours sur ordinateur qui sont mis à l’honneur. «L’appropriation des outils informatiques est très importante pour eux, car ils se sentent d’autant plus exclus lorsqu’ils ne savent pas s’en servir», explique Bernard Hudon, coordinateur.
Depuis 1981, l’organisme vient en aide à une quarantaine de personnes par an. Aux côtés de Roco, Jacques, lui aussi élève, raconte: «À l’école, on me mettait dans un coin». Brigitte Juteau, animatrice, explique: «Ceux qui souffrent par exemple de dyslexie ont souvent été mis à l’écart».
Aujourd’hui, Jacques s’attèle à écrire un petit texte sur les bandits du Québec. Il recopie scrupuleusement les quelques lignes que Bernard lui a données, puis effectue des recherches sur Internet pour illustrer le tout. Une tâche qu’il n’aurait pas été capable de réaliser quelques années plus tôt.
Manque d’implication du gouvernement
Bernard Hudon déplore le manque d’implication du gouvernement dans sa lutte contre l’illettrisme: «Le Québec devrait se doter d’une vraie politique d’alphabétisation, cela devrait même être une priorité nationale. Actuellement, la problématique n’est pas assez prise au sérieux».
La grande majorité des personnes qui viennent au CLEM a plus de 50 ans, dont beaucoup ont souffert d’une sorte de «désapprentissage», n’ayant pas pu entretenir leur niveau de lecture et d’écriture.
Cette situation n’a pas beaucoup évolué depuis ces dernières années. Et même si Brigitte Juteau met en garde quant à l’interprétation de ces chiffres en rappelant qu’il existe plusieurs niveaux d’analphabétisme, ils placent aujourd’hui le Québec comme le deuxième territoire du Canada à recenser le plus d’analphabètes.
S’il y a plusieurs niveaux d’analphabétisme, il y a presque autant d’explications. La fondation pour l’alphabétisation, évoque la faible scolarisation, la pauvreté, l’absence de livres à la maison ou encore des troubles de l’apprentissage.
Le quotidien, éternel combat
Pour certains, le quotidien est un éternel combat. Retirer de l’argent au guichet, faire ses courses, lire les panneaux sur la route… Mais la plupart n’ont pas honte de venir au CLEM, assure Brigitte Juteau: «Au contraire, ils sont plutôt fiers. Il faut du courage pour demander de l’aide».
Plus tard dans la semaine, elle animera des ateliers de lecture ou encore d’écriture au stylo. Roco, Jacques et les autres, continueront à se battre pour gagner encore plus en autonomie.