Violet Grant States, la toute première Noire à avoir fait partie d’un orchestre professionnel en Amérique du Nord, n’a jamais été de celles qui se laissent décourager par un refus. À une époque où les femmes venaient tout juste d’obtenir le droit de vote et où la ségrégation était à son plus fort, elle a mené une carrière exceptionnelle, ouvrant la voie aux générations suivantes. C’est pourquoi elle a été choisie comme Bâtisseuse de la Cité pour représenter Verdun.
Née à Verdun de parents immigrants jamaïcains, Violet Grant n’a pas grandi dans les milieux huppés de la musique classique. Mais son père, travailleur sur les chemins de fer, a tenu à ce qu’elle suive des cours de piano en plus de son parcours scolaire régulier.
La jeune femme se fixe alors comme objectif de devenir à son tour enseignante de musique et est même acceptée au McDonald Teacher College, l’ancienne faculté de musique de l’Université McGill.
Quand il la rencontre en personne et réalise qu’elle est noire, le directeur de l’établissement la dissuade toutefois d’entamer ses études, prétextant que bien peu de parents accepteraient qu’une personne de couleur enseigne à leurs enfants.
Loin de la décourager, ce refus la motive au contraire à trouver une autre manière d’atteindre son but. Grâce à une bourse, elle entre alors au Conservatoire de musique de Montréal pour compléter une Majeure en piano.
L’Orchestre des femmes
En 1940, la jeune pianiste assiste sur le Mont-Royal au tout premier concert de la Symphonie féminine de Montréal, un orchestre rassemblé par la chef Ethel Stark et composé uniquement de femmes. C’est le coup de foudre. Violet veut s’y joindre.
Seul bémol: il n’y a pas de piano dans la musique symphonique. Ce nouvel obstacle est cependant loin de décourager la musicienne, qui décide de débuter la clarinette. Trois ans plus tard, elle passe les auditions avec brio et est acceptée dans l’ensemble.
C’est avec cet orchestre qu’en 1947, alors que la ségrégation règne partout aux États-Unis, elle deviendra la première Noire à jouer au Carnegie Hall, prestigieuse salle de concert de New York.
Dévouée
Finalement, Violet Grant States aura su prouver au directeur du McDonald Teacher College qu’il avait tort, puisqu’elle a enseigné la musique à des milliers de jeunes, au privé pendant 28 ans et dans les écoles publiques pendant 22 ans.
La musicienne s’est également beaucoup impliquée dans l’arrondissement, entre autres en dirigeant bénévolement des chœurs amateurs.
Son rôle dans la communauté avait déjà été salué en 2002, lorsqu’elle a reçu le titre de Grande Verdunoise.
«Son nom était revenu souvent lorsqu’on a créé Toponym’Elles. Plusieurs citoyens auraient voulu qu’on nomme une rue ou un établissement de Verdun en son honneur, mais ce n’était malheureusement, ou plutôt heureusement, pas possible puisqu’elle est toujours vivante. C’est pourquoi on a tout de suite pensé à elle comme Bâtisseuse de la Cité», raconte la conseillère Manon Gauthier.
Mme Grant States ayant une santé fragile, elle n’a pu se déplacer pour la cérémonie, mais des responsables de l’arrondissement iront bientôt la féliciter en personne.