Lachine

Interprètes en langue des signes québécoise: des communicateurs essentiels

L'interprète Brigitte Giguère à l'oeuvre durant un point de presse accompagné de la mairesse Valérie Plante et la Dre Mylène Drouin

Brigitte Giguère interprète en langue des signes québécoise lors des points de presse de la Direction régionale de santé publique de Montréal.

Les mesures gouvernementales, les directives de santé publique et les propos colorés du Dr Horacio Arruda trouvent écho dans la communauté sourde grâce au travail d’interprètes en langue des signes québécoise (LSQ). Tous les jours, ces communicateurs apparaissent en direct à la télé, à droite de nos écrans, depuis le début de la crise sanitaire. Une première au Québec qui pourrait marquer un tournant pour les services d’interprète.

À certaines occasions, le gouvernement a eu recours à la LSQ, mais jamais de façon continue, comme actuellement avec les points de presse quotidiens. La présence d’interprètes facilite la transmission de l’information auprès de la communauté sourde.

«Pour lire les sous-titres, ça va très rapidement. Les personnes sourdes ont aussi différents niveaux de compétences en lecture. Avec un interprète, on a une accessibilité pleine et entière au message», fait valoir la présidente de l’Association québécoise des interprètes en langue des signes (AQILS), Alice Dulude, par l’entremise elle aussi d’une interprète.

Dans un studio à l’Assemblée nationale, une équipe de sept personnes se relaient la tâche de traduire en LSQ les conférences de presse du trio Legault-McCann-Arruda. À Montréal, la Direction régionale de santé publique fait aussi appel pour la première fois, en situation d’urgence, à des interprètes pour ses conférences de presse.

S’ils peuvent prendre connaissance du discours des intervenants quelques minutes avant, les interprètes gèrent l’inconnu lors de la période des questions des journalistes.

Analyser rapidement

La concentration et la mémorisation sont de mise. Le défi est de transmettre les propos en ayant un décalage de seulement quelques secondes avec le message auditif.

«On ne signe pas du mot-à-mot. On prend le temps de déverbaliser et d’analyser ce que la personne veut vouloir dire. Dans la langue des signes, on n’a pas de terminaison et le temps de verbe est exprimé autrement avec le positionnement du corps, par exemple», explique Amélie Gagnon, interprète à Québec.

Avec la pandémie de la COVID-19, un nouveau signe a par ailleurs fait son apparition pour évoquer le mot coronavirus.

Au-delà du message, l’intonation et les sentiments des intervenants doivent aussi être transposés. «Si une personne est plus colorée, cela va nous inviter à mettre davantage d’expressions faciales ou exécuter certains signes (mouvements plus rapides, plus lents ou amplifiés) pour passer cette couleur», indique Mme Gagnon.

En équipe

Tout ce travail, qui exige un effort cognitif considérable, s’accomplit en équipe. À Québec, ils sont deux en studio pour se relayer aux 15 minutes. À Montréal, l’interprète devant les caméras peut compter sur le soutien de deux autres collègues.

«C’est pour éviter qu’une information soit oubliée ou échappée. Il y a des chiffres et le nom d’endroits qui doivent être transmis intégralement», mentionne Brigitte Giguère.

L’interprète se souvient de sa première conférence de presse où plusieurs caméras étaient braquées vers elle. Une situation inhabituelle, qui apporte une pression supplémentaire, mais sans déstabiliser.

«L’attention qu’on doit porter sur le message est tellement grande qu’on oublie ce qui se passe autour de nous», confie Mme Giguère.

Automatisme

Les interprètes espèrent que leur présence dans les médias entraîne des contrecoups positifs pour la communauté sourde. Une fois la pandémie passée, elles souhaitent que l’adaptation en langue des signes devienne une pratique courante dans les communications des organisations publiques et privées du Québec.

«On veut que ça continue, que ça devienne un automatisme», réclame Alice Dulude.

Comme le financement représente souvent un frein, le gouvernement devrait prévoir des enveloppes budgétaires pour assurer des services d’interprètes, selon elle. En vigueur depuis 2019, la Loi fédérale sur l’accessibilité qui vise une équité pour les personnes en situation de handicap pourrait influencer les provinces à agir en ce sens.

Formation

Un seul programme est reconnu pour devenir interprète en LSQ au Québec. Il s’agit d’une Majeure en interprétation français-langue des signes québécoise donnée à l’UQAM. Comme étape préparatoire, le cégep du Vieux-Montréal offre une attestation d’études collégiales en communication et études sourdes.

Pour apprendre quelques rudiments de la LSQ, il existe l’application gratuite App LSQ.

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