À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, Henriette Kandula, directrice générale de Chantier d’Afrique du Canada (CHAFRIC), aborde les défis entrepreneuriaux des communautés noires.
Le mois de février permet de prendre un temps d’arrêt pour développer les relations entre les différentes populations, estime Mme Kandula. «On est appelé à se côtoyer, à travailler ensemble, mais pour cela il faut se connaître, et peut-être que les communautés noires ne sont pas assez connues», dit-elle.
Henriette Kandula est originaire de la République démocratique du Congo. Elle s’est installée il y a une trentaine d’années à Québec pour y étudier le droit, avant que les circonstances ne l’orientent vers la sociologie.
«Finalement, j’ai adoré et j’y suis restée», lance-t-elle.
«[Le Mois de l’histoire des Noirs] c’est important pour les communautés noires parce que ça permet de montrer leurs contributions. Ça redonne aussi une certaine fierté aux gens.» -Henriette Kandula
Puis, pour des raisons politiques et familiales, il lui est impossible de rentrer dans son pays comme prévu. «Au début, je voyais que les bons aspects du pays, mais mon regard envers le Canada a commencé à changer», se souvient-elle.
C’est à ce moment que Mme Kandula s’est intéressée à l’immigration. Elle a atterri à Montréal où elle a rapidement commencé à travailler pour le CHAFRIC dont les bureaux sont à Verdun depuis 2006.
Reconnaissance des compétences
À l’époque, le CHAFRIC relevait déjà une difficulté pour les membres des communautés noires de dénicher un emploi dans leur domaine. «Il y avait beaucoup de personnes d’origines africaines qui ne pouvaient plus retourner dans leur pays. C’était des gens formés, des gens instruits, qui occupaient souvent des postes de chef d’entreprise», relate-t-elle.
La plupart du temps, ces personnes diplômées devaient recommencer à zéro leurs études au Québec. «On avait des professeurs d’université qui allaient aux champs ou dans des fermes parce qu’ils ne pouvaient pas intégrer le marché du travail», indique Henriette Kandula.
Pour remédier au problème, l’organisme s’est concentré sur l’entrepreneuriat. Depuis le début des années 2000, le CHAFRIC sensibilise les communautés issues de minorités à se lancer en affaires. Le but est de rehausser l’estime de certains travailleurs et qu’ils soient épanouis dans ce qu’ils font.
Pandémie
Il reste beaucoup de défis sur la reconnaissance des diplômes, estime la directrice. «Le taux de chômage des personnes issues de communautés noires diminue, cependant en termes d’écart salarial avec les natifs d’ici ça se creuse», se désole-t-elle.
C’est pour cette raison que les personnes noires sont souvent des personnes en contexte de vulnérabilité, croit Mme Kandula. De plus, étant souvent des sociétés matriarcales, il y a beaucoup de femmes qui immigrent avec leur enfant laissant le père «garder le fort». Il y a donc plusieurs familles immigrées monoparentales.
Par ailleurs, la pandémie a été un coup particulièrement difficile pour les entrepreneurs noirs.
«Ils sont laissés un peu à eux-mêmes, ils ne savent pas trop quoi faire, comme beaucoup d’entrepreneurs québécois aussi, souligne Mme Kandula. C’est vraiment au niveau de la stratégie numérique qu’il y a un problème. C’est un problème pour tout le monde, mais quand tu es une minorité et que tu essaies de prendre une petite place, c’est encore plus difficile.»
Elle aurait aimé qu’il y ait des programmes spécifiques à la communauté noire pour aider à passer à travers la crise, au même titre qu’il y a des fonds pour l’entrepreneuriat féminin.
Le CHAFRIC offre présentement des programmes pour soutenir les entrepreneurs notamment avec du mentorat et des ateliers. Des programmes sont aussi offerts aux parents pour les aider à mieux comprendre les technologies, notamment en lien avec l’éducation à distance de leurs enfants.