Qu’ont en commun la manette rouge de frein d’urgence dans le métro, des moteurs de 747 et le filtre à sable de turbines d’hélicoptère? Pierre Lauzon. Le professeur en technique d’usinage du Centre intégré de mécanique, de métallurgie et d’électricité (CIMME), à LaSalle, a une impressionnante feuille de route de plus de 40 ans d’expérience.
Son premier emploi de machiniste chez Vapor Canada consistait à mettre au point différentes pièces pour le métro de Montréal. «J’ai fabriqué le système de freinage d’urgence entièrement seul, autant la partie rouge que tout le dispositif qui se trouve sous les sièges qui immobilise le train», explique M. Lauzon.
Avec l’aide d’une équipe, il a aussi confectionné les portes-papillon des édicules. À l’époque, elles valaient plus de 8 000$ et devaient se replacer facilement. Le mécanisme est conçu pour rabattre les deux côtés si deux personnes tentent de sortir en même temps en cas d’urgence.
«Look» nocturne
En 1979, il a été embauché à l’usine de Rolls Royce sur l’autoroute 520, où il fabriquait des pièces pour les moteurs d’avions 747. «Mon patron n’aimait pas mon look, alors il m’a fait travailler de nuit», se rappelle le machiniste, tout en décrivant avec amusement ses cheveux longs et sa moustache.
Les avancées technologiques des machines servant à confectionner les pièces étaient telles à cette époque qu’il fallait s’adapter rapidement. Comme la formation était restreinte, Pierre Lauzon a profité du calme nocturne pour parfaire ses connaissances en lisant, voire déchiffrant les manuels d’instruction qui parfois étaient des photocopies manuscrites envoyées à la hâte.
Après sept ans, il a voulu relever de nouveaux défis. C’est alors que M. Lauzon est devenu installateur et inspecteur de nouvelle machinerie pour le distributeur Ferro Technique. Après la vérification de nouveaux équipements, il formait les employés qui devaient les manœuvrer au quotidien.
Effort de guerre
Un jour, trois hommes se sont présentés à son bureau. «Ils m’ont dit: le Canada est en guerre et vous êtes une denrée rare. Vous ne dormez pas chez vous ce soir, vous nous suivez. C’était l’armée canadienne, alors j’ai obtempéré», raconte-t-il, encore impressionné par cette anecdote.
Il avait été sélectionné pour mettre à contribution son savoir-faire. Installé dans une ancienne mine du nord de l’Ontario, son groupe restreint devait résoudre un problème d’infiltration de sable dans les turbines des hélicoptères qui devaient servir à la Guerre du Golfe, en zone désertique.
«Après quelques essais, j’ai eu un flash en pensant à une rectifieuse, un équipement utilisé dans l’industrie qui polit le métal», précise M. Lauzon. Il leur a fallu cinq mois et demi de travail pour trouver une solution, inspirée du tissu qui capte la poussière produite par la machine.
L’enseignant
C’est en formant les employés qu’il a eu la piqûre pour l’enseignement.
«J’adore apprendre des choses aux autres», avoue celui qui est devenu enseignant au début des années 1990. Aujourd’hui, M. Lauzon parle avec passion des créations métalliques de ses élèves. Des dizaines ornent les tablettes des corridors du CIMME et il raconte avec amusement les souvenirs qui s’y rattachent.
Devant l’une d’elles, il s’arrête. Des étudiants ont insisté pour faire une réplique en métal du Taj Mahal, ce mausolée indien fabriqué de marbre blanc. «J’ai pris les mesures à partir d’une photo. J’étais hésitant parce que la réussite de ce cours reposait entièrement sur ce projet», explique-t-il.
En 2010, le Mexique lui a demandé de démarrer un nouveau programme à l’université autonome de Zacatecas. Pendant six mois, il a formé les enseignants. «Dans mes temps libres, j’ai fabriqué un drone, raconte le machiniste, visiblement fier. Malheureusement, je me le suis fait voler à mon retour au Québec.»
Bientôt âgé de 65 ans, Pierre Lauzon a décidé de ne plus travailler autant et de se concentrer sur l’enseignement. Comme son cerveau est en constante ébullition, il est déjà à élaborer la prochaine pièce métallique qu’il confectionnera, au grand plaisir de ses élèves.