Montréal-Est voit grand, très grand. Avec son projet de réaménagement d’un territoire de 23 millions de pieds carrés intitulé Montréal-Est: vision 2050, la petite ville défusionnée de l’est de l’île de Montréal prévoit miser dans les prochaines années sur les technologies vertes, la mobilité durable et les infrastructures adaptées aux changements climatiques. Le but? Permettre de créer de nouveaux quartiers résidentiels et de revitaliser un secteur industriel autrefois caractérisé par la présence des nombreuses raffineries «emblématiques» du territoire montréalestois.
«J’ai été élue comme mairesse en novembre 2021, après avoir été conseillère depuis 2008, avec comme objectif principal de développer la ville et de changer l’historique de Montréal-Est», lance d’entrée de jeu la mairesse Anne St-Laurent, en entrevue avec Métro.
Demande à n’importe qui au Québec sa perspective sur Montréal-Est et il l’associera encore négativement aux raffineries et à la pollution. Mais ce n’est plus vrai aujourd’hui. Il n’y a plus de raffinerie à Montréal-Est.
Anne St-Laurent, mairesse de Montréal-Est
La mairesse explique qu’en 1960, Montréal-Est était la troisième ville industrielle du Canada, portrait qui a beaucoup changé depuis en raison de la fermeture des raffineries, provoquant un déclin démographique et économique important dans le secteur. Ces fermetures ont entraîné la faillite de plusieurs restaurants ou cafés, surtout sur la rue Broadway, décrite comme une rue fantôme après avoir été longtemps un lieu grandement fréquenté par la population locale.
«Un carré de sable» de potentiel
Le développement urbain potentiel visé par le projet Montréal-Est: vision 2050 est évalué sur une superficie de 23 millions de pieds carrés, un espace qui sera rendu disponible après la décontamination des sols qu’occupaient les industries et raffineries. Divisé en cinq zones distinctes en fonction des besoins ciblés en développement, il traverse Montréal-Est du fleuve Saint-Laurent jusqu’à l’autoroute 40 dans une ligne presque droite, ce qui constitue selon la Ville un avantage dans l’interconnexion à l’intérieur du territoire et favorisera l’implantation d’un réseau structurant de transport collectif.
Vingt-trois millions de pieds carrés, ça correspond à 400 terrains de football. C’est énorme, et un tel potentiel à l’échelle d’une ville comme Montréal-Est, c’est du jamais vu!
Nicolas Dziasko, directeur de l’aménagement du territoire et du développement économique de Montréal-Est
«De plus, les zones visées par le projet appartiennent à quelques promoteurs immobiliers seulement, ce qui signifie que ce sont de grands blocs de territoires non-morcelés qui seront plus faciles à développer, poursuit M. Dziasko. C’est un énorme avantage parce qu’on parle pratiquement d’une page blanche à écrire.»
Le développement industriel sera accompagné d’un développement résidentiel important où le transport collectif et actif sera la norme pour inciter les citoyens à délaisser progressivement l’utilisation de la voiture, explique le directeur. Cet aspect devrait faciliter la revitalisation de Montréal-Est, notamment de la rue Broadway, en attirant un bassin de population résidente qui fréquentera les commerces et travaillera pour les différentes entreprises à proximité.
«Ce qu’on souhaite faire, c’est de développer des quartiers résidentiels à échelle humaine où le citoyen n’aura pas à se déplacer trop longtemps pour avoir accès aux services dont il a besoin, soit à moins de 600 mètres, que ce soit l’épicerie, les loisirs, les cafés, les bars, les restaurants et les autres commerces de proximité, explique M. Dziasko. Les gens pourront aussi prendre des navettes pour se rendre aux industries qui s’implanteront plus près de la rue Sherbrooke et de l’autoroute 40. On veut implanter ça sur la rue Broadway, mais aussi dans les autres développements résidentiels qu’on vise ailleurs dans la Ville.»
Le projet structurant de l’Est, pilier du projet
Au centre du projet de Montréal-Est se trouve une future station du projet structurant de l’Est – projet de transport qui a remplacé le défunt REM de l’Est – sur la rue Sherbrooke. Nicolas Dziasko explique que le secteur autour de la future station permettra le développement d’une industrie légère à petite échelle. Le succès de ce secteur agira ensuite à titre de levier pour le développement d’industries lourdes comme le recyclage de batteries prévues au-delà de l’autoroute 40. C’est pour cette raison qu’un arrêt du futur projet de transport est primordial pour la concrétisation de la vision 2050 de Montréal-Est, qui mise sur la vitesse et la portée des déplacements interrégionaux vers et à travers la ville.
«Le projet structurant de l’Est est une bonne nouvelle, à condition qu’il arrête à Montréal-Est et qu’il ne fait pas que passer, précise le directeur. S’il n’arrête pas ici, on n’atteindra pas nos cibles de développement territorial, alors ça nous prend absolument une station sur la rue Sherbrooke, en plein cœur de notre développement industriel. On veut que les wagons soient pleins en quittant et en arrivant dans Montréal-Est, tout le temps, pour qu’il y ait une véritable fréquentation de notre Ville.»
Une étape concrète
Annoncé pour la première fois en 2022, les premières pelletées de terre pour le projet de développement du quartier d’affaires 40NetZéro auront lieu cette année – dans la zone 4 identifiée plus haut Ce projet constitue un premier pas concret dans la réalisation des objectifs d’urbanisme de Montréal-Est, alors que les normes strictes qui y seront appliquées en matière de carboneutralité et d’innovation énergétique serviront d’exemples aux futurs développements industriels de la ville.
«Le quartier d’affaires 40NetZéro est audacieux, mais représente la vision derrière notre projet, explique Nicolas Dziasko. Les bâtiments qui y seront construits devront respecter un cadre très strict de carboneutralité et seront exclusivement alimentés à l’électricité, contrairement au gaz naturel, qui est la norme actuellement pour des bâtiments industriels. Une gestion optimale des eaux pluviales est aussi prévue, en plus de l’éclairage solaire et d’une végétation abondante.»
La Ville prévoit la décontamination des sols des autres zones simultanément avec la mise sur pied de ce quartier d’affaires, afin d’assurer une fluidité dans le rythme de construction et de préparation des sols pour de futurs développements immobiliers et industriels.
«On veut renverser la mauvaise perception qu’ont les gens de Montréal-Est tout en faisant en sorte que la ville devienne la Silicon Valley du Canada. C’est vers cet objectif qu’on tend, et ça me fait frissonner de penser à tout ce qu’on peut accomplir», conclut la mairesse.