Montréal-Nord

Agressions sexuelles: un manque «inacceptable» de ressources à Montréal-Nord

Le poste de quartier 39 enregistre, depuis plusieurs années, le plus haut taux de dénonciations d’agressions sexuelles à Montréal. Sur le terrain, par contre, les ressources pour accompagner les victimes sont loin d’être proportionnelles au nombre de cas recensés.

87 signalements d’agressions sexuelles en 2014. 82 en 2015. 96 en 2016. «On compte toujours en moyenne 90 signalements de ce type par année au PDQ 39», indique Miguël Alston, commandant à Montréal-Nord, qui confirme que les dénonciations d’agressions sexuelles  y sont deux à trois plus élevées que dans les autres arrondissements.

Sur le terrain pourtant, les ressources se font rares. «C’est inacceptable!», s’insurge Marlihan Lopez, agente de liaison au Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS). «Il n’y a aucune ressource adaptée et spécialement dédiée en matière de violence sexuelle à Montréal-Nord», déplore-t-elle.

On y retrouve certes des organismes comme Halte-Femmes,  qui offrent d’abord un accompagnement aux femmes victimes de violences conjugales, mais pas nécessairement pour les cas d’agressions qui surviennent à l’extérieur du couple.

Un besoin de longue date
Il y a une dizaine d’années déjà, le RQCALACS avait réalisé une étude pour mieux apprécier les besoins en lien avec les violences sexuelles. «Le manque de ressources  est criant partout à Montréal, mais il se fait particulièrement sentir à Montréal-Nord, mais aussi à Saint-Michel et à Côte-des-Neiges, des secteurs généralement moins bien desservis que les autres»,  note Mme Lopez.

Face à cette pénurie, la militante s’est mobilisée pour qu’un CALACS ouvre prochainement à Montréal-Nord. «Le CLSC local nous réfère des victimes, mais nos centres les plus proches sont dans Hochelaga ou Villeray, et l’attente y est de plus de deux ans», déplore celle qui aimerait que des ressources spéciales pour les femmes vulnérables issues de l’immigration soient en priorité développées.

«À cause de certains tabous ou par peur de stigmatiser leurs communautés, ces femmes font face à davantage de barrières qui les retiennent de dénoncer leurs agresseurs», pense Mme Lopez.

À la suite des récents scandales d’abus sexuels, de plus en plus de victimes ont osé dénoncer leurs agresseurs, «mais ce n’est pas pareil pour les femmes marginalisées, dont font partie certaines immigrantes et qui n’ont pas rejoint ce mouvement parce que beaucoup ne se sentent traditionnellement pas appuyées», la rejoint Mélanie Rossi, intervenante à Halte-Femmes.

Dénoncer à tout prix?
Exhibitionnisme, humiliation, intimidation, violence, viol, etc. Toute attitude, parole ou geste à connotation sexuelle effectué sans le consentement de la personne constitue une agression sexuelle. «C’est une atteinte importante à l’intégrité de la victime, peu importe la nature de l’agression sexuelle, ce sont tous des crimes aussi sérieux aux yeux du Code criminel», tient à préciser le commandant Alston pour mettre les points sur les i.

Le PDQ 39 est tout de même un des rares postes de police à avoir un Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) à l’intérieur de ses locaux avec des agents spécialisés pour recevoir les plaintes et accompagner les victimes d’agression à caractère sexuel.
Des rencontres avec les nouveaux arrivants aux cours d’autodéfense, les agents du SPVM ont, en outre, mis en place diverses initiatives auprès de la communauté pour prévenir ce type de violence.

«Cela peut expliquer le nombre élevé de signalements, car le SPVM encourage fortement les gens à dénoncer les agressions», analyse le commandant Alston. «Mais ce nombre est surtout proportionnel aux autres types de crimes qui sont enregistrés en plus grand nombre à Montréal-Nord.»

Chez Halte-Femmes, l’approche est différente : on ne pousse pas les femmes à porter plainte, car «la solution ne passe pas nécessairement par la judiciarisation, mais par un accompagnement psychosocial et un regain de confiance en soi», est convaincue Mme Rossi. Les interventions s’y font au cas par cas,  «d’où la complexité de l’accompagnement», ajoute-t-elle.

Et après?
Une enquête est ouverte après chaque dépôt de plainte au SPVM. Pendant ce temps, les agents du CAVAC, pour la majorité des femmes, accompagnent les victimes en offrant une aide psychologique et un soutien aux proches.

«Après enquête nous avons l’obligation de dénoncer le crime au Directeur des poursuites criminelles et pénales qui déterminera s’il y a matière à accusation», explique Miguel Alston qui ne dispose pas de statistiques sur le taux d’accusation.

Au pays, moins de la moitié (43 %) des affaires d’agressions sexuelles ont donné lieu à une mise en accusation et à peine une agression sur 10 a mené à un verdict de culpabilité entre 2009 et 2014.

Ces données sont issues d’une récente étude de Statistique Canada, mais il semblerait que les données pour chiffrer «correctement» l’ampleur du problème font défaut à tous les niveaux.

C’est la raison pour laquelle, la nouvelle Table de concertation femmes Osez au féminin de Montréal Nord s’est donnée comme premier mandat de dresser un portrait de la violence faite aux femmes dans l’arrondissement. Il sera entrepris début 2018, et s’étalera sur 9 à 10 mois.

 

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