L’administration Black se dote de nouvelles armes pour lutter contre l’insalubrité des logements à Montréal-Nord.
Comment inciter un propriétaire à effectuer des travaux dans un logement insalubre? En les faisant à sa place et en lui envoyant la facture par la suite. Telle est la nouvelle approche de l’Arrondissement qui vient d’autoriser la création d’un fonds d’urgence de 250 000 $ pour permettre, en cas de défaut du propriétaire d’un immeuble, de réaliser certains travaux urgents qui nécessitent une intervention immédiate pour des raisons de santé et de sécurité.
«L’année passée, on y est allé avec un moyen plus coercitif au niveau des inspections, cette année on va un peu plus loin avec cette nouvelle mesure qui aura un effet plus persuasif pour amener les propriétaires à prendre soin de leurs bâtiments», espère Christine Black, la mairesse de l’arrondissement.
Ça sent le moisi
Avec Saint-Léonard et Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, c’est à Montréal-Nord que l’on compte la plus forte proportion de ménages rapportant des problèmes de moisissures visibles (entre 11 et 15 % des ménages, contre 8,6 % en moyenne sur l’île de Montréal, selon les dernières données disponibles).
«On reçoit près de 1500 locataires annuellement. La moitié d’entre eux nous interpellent pour des problèmes de salubrité dans leur logement. C’est un problème fréquent», confirme Marie-Ève Lemire, organisatrice communautaire au Comité logement de Montréal-Nord.
Devant l’ampleur du phénomène, Montréal-Nord a entrepris en 2017 une vague d’inspections ciblées dans près de 264 appartements situés majoritairement dans le secteur nord-est de l’arrondissement. «Un bon nombre était insalubre», affirme la mairesse, mais impossible de déterminer la proportion exacte de foyers touchés dans l’arrondissement ou de connaître le nombre d’infractions émises. Et le constat est le même au Comité logement de Montréal-Nord (CLMN) qui tente depuis des années d’avoir accès à des statistiques concrètes à ce sujet; en vain.
De son côté la Mairie dit enregistrer 250 plaintes relatives à des logements insalubres chaque année. Un tiers d’entre elles concerne des infections de vermines, punaises ou de rats.
«Mais on était limité dans nos interventions, reconnait la mairesse. Jusqu’à présent si un propriétaire qui avait déjà reçu plusieurs avis n’effectuait pas de travaux pour corriger la situation, on était tout simplement coincé.»
Avec le nouveau fonds d’urgence, l’arrondissement pourra aller de l’avant en puisant à même l’enveloppe de 250 000 $ pour remédier à la situation. «Par la suite la facture sera envoyée au propriétaire et s’il ne répond pas, ce montant sera ajouté à ses taxes foncières à même son compte de taxe», précise Mme Black en ajoutant que son administration pourrait même aller jusqu’à saisir le logement.
«Une mesure exceptionnelle»
Dans un arrondissement de plus de 83 000 habitants qui compte 72 % de locataires répartis dans 25 000 habitations, les problématiques liées au logement vétuste sont nombreuses; en partie parce que la majorité de ces logements a passé le cap de la cinquantaine.
«Ce fonds est un pas dans la bonne direction, appuie Mme Lemire, mais ces 250 000 $ semblent peu d’argent quand on connait l’étendue du problème.»
Mais, comme son nom l’indique, pour Mme Black, ce montant correspond à un fonds d’urgence qui ne sera utilisé que «de manière ponctuelle».
Calquée sur deux projets pilotes similaires implantés l’an dernier à NDG et Côte-des-Neiges, l’initiative est également saluée par le Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ)… Avec également un petit bémol.
«Dans ces secteurs, ce fonds n’a en fait été utilisé que pour des travaux de surface ou esthétiques et non sur le cadre bâti qui est souvent le cœur du problème quand on fait face à des moisissures ou des infiltrations», constate Maxime Roy-Allard, le porte-parole du RCLALQ. «On a l’impression que ça bloque même au niveau de la Ville centre qui a comme peur de ce genre de mesures contre lesquelles les propriétaires peuvent aussi se retourner en saisissant la justice, et là ça peut couter cher aux administrations», ajoute-t-il.
À Montréal-Nord, les contrôles d’immeuble se poursuivront cette année. Un appel d’offres sera lancé prochainement pour embaucher des entreprises susceptibles de réaliser les travaux en lieu et place des propriétaires.