Le projet de rénovation du boulevard Industriel lancé par Montréal-Nord suscite toujours de vifs débats. Une affiche invitant à «klaxonner» contre la future piste cyclable a mis le feu aux poudres.
La ville-centre a débloqué un budget de 15 M$ pour permettre à l’arrondissement ce réaménagement. Il comprend la réfection de la chaussée, l’installation de nouveaux trottoirs, le verdissement de la voie et la mise en place d’une piste cyclable. Et c’est bien cette partie du projet qui est au cœur des débats. Une pétition visant à empêcher sa mise en place été lancée par un groupe de commerçants du boulevard. Elle a déjà réuni plus de 500 signataires, au grand désarroi de Suzanne Lareau, PDG de Vélo Québec.
«Je ne comprends pas cette grogne. J’ai l’impression de revenir 30 ans en arrière, quand les gens n’en avaient que pour la voiture. Je trouve ça pathétique», s’offusque-t-elle.
Elle déplore en outre l’installation sur l’artère d’un panneau invitant à «klaxonner» contre le projet.
« On essaie simplement de faire ouvrir les yeux à l’arrondissement, justifie Roger Elias, l’un des commerçants à l’initiative de la campagne d’affichage. Installer une piste cyclable au cœur d’une zone industrielle, ça n’a aucun sens. C’est dangereux et ça nuira aux commerces locaux.»
Selon ses dires, ce panneau a donc pour objectif la prise de conscience et n’a pas vocation à nourrir une animosité entre piétons et cyclistes.
« Permettez-moi de dire que s’ils voulaient inviter à la discussion, ils ont mal fait leur travail, ironise Suzanne Lareau. Quand on met des affiches représentant une voiture en train de frapper un cycliste, on cherche à faire peur, pas à discuter.»
Pour Me Pierro Ianuzzi, avocat de Donato Rinaldi, l’un des commerçants s’opposant au projet, les déclarations de Mme Lareau sont hors sujet.
«Ces propos manquent de discernement et ce n’est pas très raffiné, déplore-t-il. Il est complètement faux de dire que les commerçants du boulevard industriel contribuent à l’agressivité envers les cyclistes. Nous nous préoccupons justement de leur sécurité, car ce projet est dangereux.»
Les commerçants estiment notamment que la vitesse des véhicules sur l’artère serait dangereuse pour les utilisateurs de vélo. Car même si le boulevard ne comprend officiellement qu’une seule voie dans chaque direction, les usagers ont pris l’habitude de profiter de sa largeur pour l’utiliser comme un deux fois deux voies, roulant à vitesse très élevée.
«Le projet servira justement à apaiser la vitesse des automobilistes qui roulent trop vite sur le boulevard, assure Mme Lareau. Il y aura toujours des gens pour qui le changement n’est pas facile. Mais Montréal-Nord est très mal pourvu en piste cyclable, et ce projet est une très bonne idée.»
Pas de date annoncée pour le début des travaux
De son côté, Me Pierro Ianuzzi reproche à l’arrondissement de fait preuve d’opacité dans ce dossier. Aucun élément n’a filtré et la date de commencement des travaux demeure méconnue.
«Nous ne savons rien. Nous ne savons pas si un appel d’offre a été lancé, ou si une résolution a été prise ou votée au conseil municipal. Nous sommes dans l’inconnu», peste l’avocat.
Même si quelques réunions ont déjà eu lieu entre l’administration municipale et les commerçants, Me Pierro Ianuzzi déplore le manque de consultation publique.
« Ces réunions n’ont amené aucun dialogue, juge-t-il. Nous avons demandé fin mars les résultats d’une étude pour savoir si le projet est légal et nous n’avons toujours pas eu de retour ».
Contacté, l’arrondissement a déclaré que l’appel d’offre pour le projet serait lancé à l’automne, ou au plus tard au printemps prochain.
« Il n’y aura plus de consultation publique, précise Daniel Buissières, responsable des communications à Montréal-Nord. L’article 85 de la Charte de la Ville de Montréal nous autorise à mener ce projet à son terme. L’arrondissement souhaite aller de l’avant.»