Des chercheurs du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) déploieront une stratégie de dépistage inédite au Québec pour tenter de prévenir les éclosions dans les entreprises essentielles de Montréal-Nord, qui est à nouveau un quartier «chaud» en raison du nombre élevé d’infections répertoriées.
Dès mercredi, une équipe de recherche dirigée par Dr Jonathon Campbell, Dr Dick Menzies et Dr Cedric Yansouni se rendra dans divers lieux de travail essentiels pour y dépister des groupes de personnes considérées à risque modéré ou élevé d’avoir été exposés à la COVID-19.
Dépistage actif à Montréal-Nord
Cette stratégie «active» de dépistage détonne avec celle qu’a adoptée le gouvernement du Québec depuis le début de la pandémie, puisqu’elle vise également à tester les personnes asymptomatiques. Pas moins de 50% des transmissions de coronavirus proviennent de personnes qui ne présentent aucun symptôme de la maladie.
Sur près de 6000 travailleurs essentiels estimés à Montréal-Nord, les docteurs souhaitent en dépister 2500 dans 120 lieux de travail différents lors de cette première phase.
Épicentre de la pandémie lors de la première vague du printemps, Montréal-Nord s’est à nouveau retrouvé parmi les territoires les plus touchés par le virus cette semaine. L’arrondissement fait partie d’une courte liste d’endroits où on recense plus de 450 cas actifs par 100 000 habitants.
L’idée de dépister les personnes asymptomatiques dans les quartiers chauds avait été avancée par le premier ministre François Legault la semaine dernière, mais la santé publique de Montréal avait par la suite affirmé qu’elle ne prévoyait pas adopter une telle stratégie.
Moins d’éclosions majeures?
Selon les chercheurs, ce projet permettra «possiblement» de prévenir des «éclosions majeures» en aidant à déterminer les risques de transmission.
Par ailleurs, les tests seront effectués sur le milieu de travail et nécessitent seulement un prélèvement de salive, mais ne sont pas des tests rapides et doivent être analysés en laboratoire.
«L’accès aux tests de COVID-19 est limité et pour de nombreuses personnes, il n’est pas possible de passer du temps à recevoir un test en dehors des heures de travail. Avec le soutien de la communauté, cette étude sur la réalisation de tests sur les lieux de travail améliorera l’accès.» -Dr Jonathon Campbell, chercheur au CUSM
La directrice de la Chambre de commerce et d’industrie de Montréal-Nord, croit que l’économie locale se retrouve «privilégiée» de faire l’objet de cette stratégie. «C’est extraordinaire. Ça va permettre à notre économie locale de rouler en étant proactif au lieu d’être en réaction. Ce projet va pouvoir servir de modèle pour être exporté ailleurs.»
La mairesse de Montréal-Nord, Christine Black, a remercié le CUSM d’avoir choisi son arrondissement pour effectuer son projet. «Notre secteur économique a été passablement affecté par cette pandémie au cours des douze derniers mois. Toute action qui peut contribuer à maintenir nos entreprises en opération, et à améliorer les conditions de travail et la santé des personnes à leur emploi, est bienvenue.»
Une experte apporte des nuances
Selon la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal Roxane Borgès Da Silva, tester les personnes asymptomatiques est une bonne stratégie pour prévenir les éclosions.
«On peut avancer que 30% des gens qui attrapent la COVID-19 sont asymptomatiques, explique-t-elle. Si on part du principe que tous ceux qui sont symptomatiques et donc malades restent chez eux, ceux qui restent dans la communauté sont les asymptomatiques.»
Elle soulève toutefois des inquiétudes quant à l’efficacité du projet du CUSM. Selon elle, il aurait fallu utiliser des tests rapides pour déployer une telle stratégie.
«Toutes les personnes atteintes de la COVID-19 ont une période d’hypercontagiosité de 24 à 72 heures, souligne-t-elle. C’est un bon début, mais ça ne suffira pas on va devoir attendre 24 heures à 48 heures pour avoir les résultats. Notre hypercontagieux asymptomatique ne sera pas ciblé et aura le temps de contaminer tout le monde.»