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«Montréal-Nord est un des arrondissements les plus touchés par la désertification alimentaire», estime Dario Enriquez du Centre de recherche sur les innovations sociales de l’Université du Québec à Montréal.
Dans sa thèse de doctorat qu’il rédige actuellement, l’étudiant identifie trois zones de désertification alimentaire d’environ 1,2 km chacun : celle au nord-est (à l’est du boulevard Rolland et au nord du boulevard Maurice-Duplessis), au sud-ouest (au sud de la rue Prieur et à l’ouest du boulevard Pie-IX) et au centre (entre les boulevard Pie-IX et Lacordaire, au sud du boulevard Henri-Bourassa et au nord de la rue de Charleroi).
Nourriture santé inaccessible
Alors qu’on note la présence de plusieurs commerces de restauration rapide dans ces secteurs, les résidents doivent marcher à plus de 15 minutes (750 m) pour accéder à des aliments sains, tels que des fruits et des légumes frais.
« Il y a des dépanneurs et quelques petites fruiteries, mais on ne peut pas tout avoir au même endroit. L’épicerie la plus proche est sur la rue de Charleroi. C’est petit, mais la diversité est acceptable », témoigne Ghislaine St-Onge. Cette résidente de l’avenue Armand-Lavergne doit marcher 1,5 km pour se rendre à l’épicerie la plus près ou faire trois transferts d’autobus.
« Ce n’est pas facile à pied, surtout s’il pleut, ajoute-t-elle. Il faut aussi payer la livraison ou transporter les sacs. Si j’y vais pour une semaine, c’est lourd! »
« Avant d’avoir une voiture, il fallait compter une demi-heure pour seulement me rendre à l’épicerie. Bien sûr certains endroit font la livraison mais ça coûte de l’argent et des fois, ça ne rentre pas dans le budget », ajoute Teresa Torres, une résidente de l’Îlot Pelletier.
Une combinaison de plusieurs facteurs dont la pauvreté, la popularité des supermarchés et des centres commerciaux « ainsi que la quasi disparition de la vie commerciale des quartiers et la transformation des commerces de proximité », explique ce phénomène complexe, selon M. Enriquez.
Besoin de six supermarchés
Pour améliorer la situation, le chercheur estime que Montréal-Nord aurait besoin de six supermarchés supplémentaires.
« L’action collective pourrait aussi jouer un rôle central dans les efforts pour contrer la désertification alimentaire à partir d’initiatives locales communautaires », ajoute le chercheur.
D’ailleurs quelques initiatives ont déjà été mises en place, dont des cuisines collectives et le groupe d’achat de L’Accorderie. Une fois par mois, les membres de ce groupe se divisent une commande d’environ 2000 $, ce qui leur permet de sauver jusqu’à 50 % des coûts, selon Mme Torres.
La participante au groupe tient beaucoup à l’initiative de coopérative alimentaire (voir autre texte) que Parole d’excluEs veut mettre en place. Cette initiative permettra de rendre ces produits disponibles en tout temps et à une plus grande population.
« Je crois que quand les gens sont bien alimentés, cela amène beaucoup de choses positives. Il y a moins de maladie mentale, les enfants sont plus disposés pour apprendre, il y a moins de stress pour les parents donc moins de violence à la maison », estime Mme Torres.
Vers un marché public
Une fois que la coopérative sera ouverte, Parole d’excluEs veut mettre en place des marchés publics à Montréal-Nord. Lors du dernier rendez-vous sur l’accès à l’alimentation, la population a d’ailleurs été consultée sur ce projet.
« Nous sommes toujours dans les prémisses du projet, mais nous voulions prendre le pouls des citoyens et réfléchir s’il faut un marché public fixe ou plutôt mobile », dit Marie-Sarah Darnaudet de Parole d’excluEs.
En avril dernier, l’organisme avait d’ailleurs tenu un marché public afin de connaître l’intérêt dans le quartier. Malgré la journée pluvieuse, une centaine de personnes avaient répondu à l’appel avec enthousiasme, un signe de l’intérêt de la population selon Parole d’excluEs.
Le projet de Marché public sera présenté lors du prochain rendez-vous de l’alimentation qui aura lieu l’année prochaine.
Quelques chiffres sur l’accès à l’alimentation
31 906 personnes vivent dans un désert alimentaire à Montréal-Nord (38 % de la population).
75 000 personnes vivent dans un désert alimentaire à Montréal
856 $ coût mensuel moyen pour nourrir une famille de quatre personnes en 2014.
530 $ coût pour une famille de quatre personnes en 2002 (une augmentation de 60 %).