La possible vente de l’Église Saint-Enfant-Jésus à Pointe-aux-Trembles soulève l’enjeu de la transformation des églises, qui peut être très complexe. Luc Noppen, professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, donne quelques pistes de réflexion sur les embûches que comporte ce type d’entreprise.
«La valeur de l’église est déterminée par l’usage qu’on peut en faire. Et souvent, les usages qu’on peut en faire ne sont pas très lucratifs», soulève-t-il.
Ainsi, trouver un acheteur prêt à investir dans la transformation d’une église peut être très difficile, croit le professeur.
En effet, l’entretien, la restauration ou la transformation d’une église se compte souvent en millions – et ce, spécialement à Montréal, où au moins 125 églises seraient de taille importante, note M. Noppen. Dans ce contexte, même les subventions gouvernementales sont souvent insuffisantes pour que l’achat soit rentable.
De plus, les églises sont souvent vendues à gros prix. À une certaine époque, rappelle le professeur, le diocèse vendait ses églises «pour un dollar». Mais aujourd’hui, alors que leur situation financière est très précaire, le Diocèse et les paroisses ont également besoin de renflouer leurs caisses.
Pourtant, note M. Noppen, la transformation d’église se prête très bien aux activités de groupes culturels ou communautaires. Mais d’ordre général, ces groupes sont aussi «ceux qui ont le moins d’argent».
Une réglementation qui freine l’achat
En plus des embûches financières, la réglementation peut décourager l’achat des lieux de culte.
À Montréal, l’achat des églises pour vocation non religieuse doit d’ordre général passer par un changement de zonage et du plan d’urbanisme, explique M. Noppen.
«Ce sont des démarches qui peuvent prendre jusqu’à 3-4 ans. Évidemment, ça affecte beaucoup la valeur de l’église», soutient-il.
Pendant ce long processus, les administrations municipales peuvent aussi changer. Le soutien aux projets peut alors être compromis lorsque le dossier change de mains.
Cependant, faire disparaître cette réglementation ne réglerait pas la question, concède M. Noppen, «Plusieurs églises magnifiques disparaîtraient dès demain matin».
Des pistes de solution
Alors que le nombre d’églises délaissées peinant à trouver acheteur augmente de plus en plus, M. Noppen croit qu’il faut faire des compromis. Par exemple, prioriser la conservation d’église ayant le plus de valeur.
Pour ce faire, il propose que le Diocèse accepte de vendre à l’arrondissement «pour un dollar» les églises de valeur, afin que celui-ci les conserve. En contrepartie, l’arrondissement devrait accepter d’assouplir la réglementation pour que des églises de moindre importance soient plus facilement vendues.
Dans ces cas, des solutions mixtes pourraient aussi être mises de l’avant, croit-il. Par exemple, un promoteur pourrait récupérer une église, pour en faire des condos, mais à la condition d’y réserver une partie pour le logement social.
«Il faut reconnaître que le Diocèse et les paroisses ont besoin d’argent. Mais il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la volonté des citoyens de conserver leur patrimoine ni des besoins de la communauté (…) d’avoir des terrains pour le logement social», conclut-il.