Exaspéré de voir sa maison se détériorer, Marc Raymond, citoyen de Montréal-Est, poursuit la municipalité pour des dommages qui auraient été causés par des arbres du domaine public, en marge de sa propriété. Au total, il réclame 160 000$, reprochant à la ville de faire preuve de mauvaise volonté dans ce dossier.
«La ville se ferme les yeux devant ce problème qui n’est évidemment pas le mien, tempête M. Raymond. Je trouve cela déplorable de devoir entamer des poursuites judiciaires pour faire valoir mes droits.»
Le citoyen qui a fait l’acquisition de sa propriété en 1991, est convaincu que l’affaissement de son immeuble est dû à la présence d’érables argentés appartenant à la Ville de Montréal-Est.
Selon une requête déposée devant la Cour supérieure au mois de février dernier, et dont l’Avenir de l’Est a obtenu copie, au printemps 2007, M. Raymond a constaté des racines sur le terrain de sa propriété, provenant de l’érable argenté, situé en avant de sa résidence.
Il avait alors demandé à la municipalité d’examiner les racines et l’état des lieux.
Quelques mois plus tard, les élus de l’époque avaient donné le feu vert pour l’abattage de l’arbre qui a été finalement coupé à l’automne 2008.
Or, six années plus tard, soit au printemps 2014, M. Raymond remarque que d’autres racines appartenant à un autre arbre, poussent sur son terrain. Il note également un affaissement de son plancher.
Inquiet il demande une révision au rôle d’évaluation foncière afin de vérifier si les racines présentes sur sa propriété, et provenant de ce deuxième arbre, auraient contribué à l’affaissement de son immeuble.
«Un inspecteur est venu examiner la maison. Il m’a expliqué qu’elle avait perdu une valeur de 52 500$ parce qu’elle était affaissée de 10 pouces», raconte M. Raymond.
Cet inspecteur ne s’était toutefois pas penché sur les raisons de l’affaissement.
Des études qui se contredisent
Le 20 août 2014, le citoyen se présente devant le conseil municipal afin de demander aux élus de considérer l’abattage de ce deuxième arbre. On l’informe qu’une étude est commandée par la municipalité et que la décision serait rendue par la suite.
L’étude réalisée par l’ingénieur forestier, Fabrice Parisi, constate la présence de fissures et soulèvements de pavage, mais conclut qu’il est peu probable que le problème soit attribuable aux racines de l’arbre. Il recommande donc de conserver celui-ci.
Devant le refus de la municipalité d’abattre l’arbre, M. Raymond mandate à sont tour l’ingénieur Denis Roy pour faire une autre étude. Celle-ci conclut que l’érable argenté présente un tel risque, que ce n’est qu’une question de temps avant que les dommages soient constatés à sa résidence.
Le maire reste prudent
Pour sa part, le maire Robert Coutu, reste prudent quant au dossier de M. Raymond.
«Je vais laisser le juge décider du sort de l’arbre, explique-t-il. Notre étude a démontré qu’il n’est pas dangereux pour sa propriété et c’est sur cela que nous nous sommes basés pour prendre notre décision, dit-il. Si M. Raymond ne fait pas confiance à cette étude, il a le droit d’en faire une autre, nous attendrons tout simplement la décision des tribunaux.»
Il rappelle d’ailleurs qu’il n’était pas encore maire de la municipalité lors de l’abattage du premier arbre, en 2008.
«Peut-être que M. Labrosse [l’ex-maire Yvon Labrosse] a voulu acheter la paix à l’époque et que c’est pour cette raison qu’il a coupé l’arbre. Je ne sais pas honnêtement. Je ne peux pas me prononcer sur quelque chose qui est arrivée en 2008», indique M. Coutu.
Le maire indique de son côté que de deux à trois plaintes par année sont formulées auprès de la ville concernant des arbres situés sur le domaine public.
Montants demandés par le citoyen
-60 000$ pour perte de valeur de sa résidence
-40 000$ pour perte d’opportunité de vendre sa résidence avec profit
-50 000$ pour effectuer des travaux de stabilisation des fondations sur pieux d’acier
-10 000$ pour perte de jouissance de sa résidence et inconvénients
Affaissement de la maison: un ensemble de facteurs à considérer
Contacté par L’Avenir de l’Est, Vincenzo Silvestri, professeur des génies civil, géologique et mines à l’École Polytechnique de Montréal, soutient que l’érable argenté peut être effectivement à l’origine de l’affaissement de l’immeuble de Marc Raymond.
Bien qu’il n’ait pas étudié la cause de M. Raymond, il ajoute qu’un ensemble de facteurs sont à prendre en considération et que l’arbre, n’est peut-être pas le seul à blâmer dans un cas pareil.
«L’érable argenté est une espèce ayant une demande en eau qui est beaucoup trop élevée pour être planté proche des maisons, dit-il. Lorsqu’il y a des périodes de sécheresse, l’arbre cherche l’eau qui se trouve aux environs et il se peut que cela déstabilise les maisons autour.»
Le spécialiste indique qu’il y a des normes à respecter lorsqu’on plante des érables argentés dans les zones résidentielles.
«C’est une question de distance. Normalement, on recommande de planter l’arbre à une distance équivalente ou double à la hauteur de l’arbre. Si un arbre mesure 12 mètres, il doit être planté minimum à une distance de 12 mètres de la propriété pour être certains qu’il ne nuira pas.»
Il indique que l’entretien de l’aqueduc et des égouts peut également avoir une influence sur l’affaissement d’un immeuble.
«Si ce n’est pas bien entretenu, il se peut que les racines s’infiltrent plus facilement et que cela ait un impact direct sur les sols en temps de sécheresse», conclut-il.