Scandant les slogans «Des condos y’en a trop, on veut des logements sociaux», une centaine de personnes ont manifesté paisiblement sous la pluie froide, lundi après-midi, dans les rues du quartier Pointe-Saint-Charles devenu un endroit prisé des spéculateurs immobiliers.
En 2011, Lucie habitait dans un 5 et demi, un logement abordable de Pointe-Saint-Charles. «J’ai été victime d’un flip en 2015 lorsque ma propriétaire de 93 ans est décédée. Son fils a vendu le duplex pour 320 000 $», raconte-t-elle.
Enceinte et se sentant prise au piège, la jeune femme ne connaît pas ses droits face aux travaux que veut entreprendre le nouveau propriétaire en plus de vouloir reprendre le logement pour ses parents.
«J’ai résilié le bail. Quatre mois plus tard, j’ai su que le propriétaire avait vendu le duplex pour plus de 600 000 $, affirme Lucie qui a dû déménager deux fois par la suite avec son nouveau-né. Heureusement, elle a trouvé un logement abordable dans une coopérative depuis.
Disparition
Organisateur communautaire au Regroupement information logement, Sébastien Laliberté a dénoncé le phénomène de gentrification du quartier. «Cela signifie qu’on remplace une population à faible ou modeste revenu par une autre, plus aisée avec plus de moyens financiers», explique-t-il.
La marche s’est poursuivie devant l’ancien restaurant Chez Paul qui a été acquis par un promoteur immobilier. «Avant de donner des permis, on devrait obliger les promoteurs à maintenir les logements locatifs à un prix raisonnable et qu’on ne laisse pas augmenter les loyers de façon abusive», a commenté l’avocat Manuel Johnson.
Opposition
Participant à la manifestation, Gabrielle vivait auparavant avec dans un grand logement sur la rue Wellington. «Le promoteur et le courtier sont venus nous visiter. On leur a fait comprendre qu’on défendrait nos droits. Cela a mis de la pression sur le promoteur et la vente ne s’est jamais faite», raconte la jeune femme de 33 ans.
Elle conseille aux locataires de se tenir debout. «En ce moment, les expulsions se passent trop facilement, car les gens connaissent mal leurs droits et ils se font sortir de leurs logements avec des compensations minables.»
La manifestation s’est rendue jusqu’aux abords du Bassin Peel, dans le secteur Bridge-Bonaventure. Un site qui pourrait accueillir le prochain stade de baseball ainsi qu’un projet de développement immobilier luxueux.
Pointe-Saint-Charles en chiffres
46, 2 % taux de familles monoparentales
140 $ Hausse du loyer de 23,5 % en 5 ans
6,8 % Diminution de la proportion de logements sociaux
436
Depuis 10 ans, les logements locatifs ont diminué de 9%. Cela se traduit par une perte concrète de 436 logements abordables depuis les années 2000.
Ce qu’ils ont dit
- «Il y a une crise du logement à Montréal et si on n’agit pas maintenant, il sera bientôt trop tard. On demande à la Ville de Montréal de créer une nouvelle catégorie de zonage, soit le zonage locatif. Si Québec refuse de changer la Loi, la Ville devrait utiliser son pouvoir pour garantir la paix et le bien-être de ses citoyens. De cette façon, on ne pourra plus convertir les logements locatifs en condo» – Me Manuel Johnson, Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles – Petite-Bourgogne
- «Le Sud-Ouest, ce n’est plus le Sud-Ouest, c’est le ‘Far West’ : les promoteurs font ce qu’ils veulent» – Sébastien Laliberté, organisateur communautaire au Regroupement Information Logement
- «Ils sont en train de décontaminer les terrains en face de chez moi et construire 25 logements sociaux et des condos. Je pense que des condos, on en a assez à Pointe-Saint-Charles» – Manon, 53 ans, résidente depuis 22 ans de Pointe-Saint-Charles.