Sud-Ouest

Dimitri Espérance, épicier et entrepreneur noir dans Saint-Henri

Dimitri Espérance

Dimitri Espérance, entrepreneur et épicier dans Saint-Henri.

Dimitri Espérance est l’un des visages de la communauté noire qui s’illustre dans le quartier Saint-Henri du Sud-Ouest, à travers sa mobilisation pour l’accès à de la nourriture fraîche.   

On peut dire que Dimitri Espérance porte bien son nom. Le jeune homme de 30 ans espérait offrir une solution face au désert alimentaire dans lequel se trouve le quartier de Saint-Henri Ouest. Après l’espoir vient l’action, et c’est ce mercredi 23 février 2022 que l’épicerie La DAL, qu’il a créée, ouvrira ses portes. Une épicerie autogérée par ses membres qui se relaient pour assurer les différentes tâches, et dont l’objectif est d’offrir une alimentation abordable, accessible et fraîche à la population.

Originaire de Gatineau, Dimitri réside depuis maintenant 12 ans à Montréal où il est venu faire son Bac en science politique. Il poursuit ses études avec un DESS en gestion à HEC, et une maîtrise en gestion et innovation sociale, qu’il ne termine pas, puisqu’il débute finalement, à 26 ans, sa carrière de consultant en innovation sociale. «J’ai choisi de me réorienter dans des initiatives plus locales, pour avoir davantage de terrain et d’interactions avec les gens» explique Dimitri, qui nourrit progressivement l’idée de s’investir dans son propre projet.

En janvier 2020, il devient consultant à son compte. Le moment tombe mal, avec la pandémie de COVID-19 qui vient contrarier ses plans mais qui finalement, lui offre beaucoup de temps libre pour observer son quartier. «Le IGA, seule épicerie de Saint-Henri Ouest s’est retrouvée prise d’assaut. Il fallait attendre 3 ou 4 jours pour se faire livrer ses achats. Il y avait aussi des files d’attente interminables à la banque alimentaire» raconte-t-il, marqué par ces images de résidents qui patientent le long de 3 ou 4 coins de rue plus loin. «Je suis quelqu’un qui s’intéresse aux injustices» estime Dimitri. «J’adore mon quartier, mais le fait de ne pas trouver d’épicerie pour pouvoir manger, ça a généré beaucoup de frustration» explique le jeune homme, qui lance alors son projet d’épicerie autogérée.

L’épicerie La DAL

Le projet de création d’une épicerie autogérée débute par une pétition du collectif de riverains La DAL, lancée le 4 mai 2020. La DAL est un acronyme de Démarche Alimentaire Locale, «mais avoir la Dal, c’est aussi une expression française qui signifie « avoir faim» raconte Dimitri, qui repère l’ancien bâtiment de la bibliothèque Notre-Dame encore vide, et qu’il peut voir depuis la fenêtre de sa cuisine. En moins d’un an, appuyé par son important réseau de connaissances, il rassemble un demi-million de dollars pour lancer l’épicerie. «On a utilisé tout ce que l’on pouvait. Les prêts de banques, des subventions de la Ville, des bourses à l’entrepreneuriat, et même gagné  des concours» explique Dimitri, devenu directeur général de l’épicerie autogérée La DAL. Le modèle fonctionne grâce à l’implication de ses membres qui gèrent collectivement toutes les tâches, de la caisse, au plancher, en passant par la réserve de produits, achetés chez des grossistes montréalais ou québécois.

À partir de ce mercredi 23 février 2022, l’épicerie La DAL proposera aux habitants des fruits, des légumes, du pain frais, du fromage ou encore des œufs et du miel.

L’épicerie autogérée La DAL ouvrira ce mercredi 23 février 2022. / Crédits:Archives

Seul épicier noir de Saint-Henri Ouest

«La couleur de ma peau, ce n’est pas quelque chose qui m’habite constamment, mais c’est certain que ça a eu un impact défavorable dans mon projet» admet Dimitri, qui parle de «racisme systémique» envers la communauté noire.

«On vit dans un système qui avantage les personnes blanches, et j’ai eu de la misère à établir ma légitimité d’entrepreneur social, et d’épicier noir, parce qu’on ne va pas se mentir, il n’y en a pas beaucoup» affirme Dimitri.

«Alors oui, pour moi c’est une très grande fierté que des personnes de ma communauté me voient comme un modèle et se réfèrent à moi. Il y a de la fierté et de la responsabilité de montrer qu’on est capable (les noirs) de réussir et de participer au changement social.»

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