Je prends une marche hebdomadaire avec mon ami Jacques. Il fait froid, ça sent déjà la neige. Je suis certain qu’on va parler des résultats des élections, mais non! Il n’en revient pas. Dans un mois, ou presque, c’est Noël. J’essaie de lui remonter le moral. Rien à faire. Il est aussi bucké qu’un virus dans un ordinateur. Il déteste les fêtes, mais pas à peu près. J’ai beau lui vendre les beautés et l’importance de la tradition, la chaleur de la messe de minuit (c’est pas winner ça!), la dinde et le punch aux fruits, les réunions de famille…. Yeurk, et re-yeurk!
Mon ami ne supporte tout simplement pas qu’on le force, pendant quinze jours à être gentil, aimable et plus généreux que nature. C’est un gars simple Coco, un bon vivant, quelqu’un qui a de nombreuses qualités dont la franchise. On ne parle pas de la « charte » ça peut déborder.
Premièrement Jacques ne fréquente pas beaucoup ses proches, sauf une sœur qui persiste à faire revivre annuellement (dans le temps des fêtes), ce qui, visiblement n’existe pas: l’esprit de famille. Cette année, c’est elle qui reçoit. Ils seront une trentaine autour de la dinde, à faire semblant d’être si heureux d’être réunis. Il faudra aussi qu’il fasse semblant d’être amusé en voyant son beau-frère Yves, déguisé en père Noël, le pompon sur le nez, saoul comme une botte. Une soirée qui n’en finira plus et qui lui laissera encore ce goût amer de déjà-vu. Dans cette belle famille, on évite depuis toujours de parler de politique, de religion, d’argent et de sexe. Il reste le sport, les enfants et Occupation Double. À l’intérieur de cette ruche, il se sentira, comme un pois vert dans une boîte de blé d’inde DelMonte. Pas rap…
Au bureau, c’est pareil. Le party annuel se termine souvent par une bonne chicane, une aventure ou une beuverie sans nom. Cette année, Coco ne sera pas de la fête. Il cherche un prétexte depuis trois semaines. Rien ne lui vient à l’esprit, sauf la vérité. Il s’emmerde à chaque fois qu’il y participe. Même la réceptionniste qui fait son stand-up comique tous les ans ne parvient pas à le divertir, une aspirine dans un verre d’eau.
C’est pas compliqué, Jacques déteste tout ce qui touche de près ou de loin à cette mascarade annuelle (c’est son opinion, vous dis-je). Les petites lumières blanches qui scintillent dans la nuit, les tounes à la radio, les bonhommes de neige gonflés sur le balcon, les sapins de plastique et les guirlandes multicolores qui lui rappellent son enfance. Tout, il hait tout de Noël. Un beau cas de psy. Avouons que c’est son droit, mais disons qu’il n’est pas né dans le bon pays. Je n’ose pas trop lui dire que j’apprécie cette période de l’année, c’est mon petit côté «mononcle». Enfin, j’y trouve mon compte et j’aime bien célébrer avec mon entourage (même avec lui), offrir des petits cadeaux et gâter d’avantage ceux et celles que j’aime.
Au retour de notre marche dominicale, il sort de sa poche, comme on sort une lettre d’amour, une liste de suggestions de cadeaux que sa blonde Diane a laissée traîner dans le salon. C’est vous dire comment Jacques a horreur du magasinage! Je le sens au bord de la crise de nerfs, dans un état dépressif inquiétant. Je veux lui venir en aide. Après tout c’est un chum. Pis, on le sait depuis la commission Charbonneau: un chum, c’est un chum! Je lui propose de faire quelques achats pour lui. Il accepte. Me voilà au Carrefour à shopper un cadeau pour sa blonde, sa mère, sa sœur (celle du souper de famille) et l’échange de cadeaux de son bureau…Moi qui me vantais d’avoir terminé mon Christmas shopping! J’ai comme soudain une envie de me réveiller le 4 janvier 2014.
Et vous, allez-vous finir par passer à travers votre dinde?