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Convois humanitaires attaqués en Haïti: des sinistrés restent sur leur faim

Neighborhood residents flee from the sting of tear gas in the air as U.N. troops clash with rock-throwing residents outside a U.N. base in Les Cayes, Haiti, Saturday, Oct. 15, 2016. Residents said clashes with the peacekeepers began when trucks carrying food aid arrived at the base. (AP Photo/Rebecca Blackwell)

Josianne Desjardins, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

PORT-AU-PRINCE, Haïti — Près de deux semaines après le passage de l’ouragan Matthew en Haïti, la cadence de livraison de l’aide humanitaire ne suffit pas à répondre aux besoins grandissants des populations vulnérables dans le sud du pays. La colère monte chez les sinistrés, alors que plusieurs attaques ont été perpétrées sur des convois humanitaires.

Selon les dernières estimations, la tempête a fait plus de 500 morts et près de 1,5 million de personnes, dont des enfants, sont toujours privées de toit et n’ont plus de quoi se nourrir, ni même d’accès à de l’eau potable.

Samedi, une escarmouche a éclaté entre des résidents et des Casques bleus à la base de l’ONU à Les Cayes environ une heure avant l’arrivée du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et d’autres dignitaires. Une centaine de résidants en colère ont lancé des pierres au passage d’un convoi transportant de la nourriture. Les policiers locaux et les Casques bleus sont parvenus à disperser les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes.

En direction de la commune de Jérémie, dans le département de la Grand’Anse, un convoi comprenant sept semi-remorques de l’ONG Food for the poor Haïti a été pris d’assaut par des individus non identifiés, lundi dernier.

«Des roches ont été lancées en notre direction, raconte Soraya Louis, responsable des communications pour l’organisme. L’un de nos conducteurs a été légèrement blessé et il a dû s’arrêter à Camp-Perrin et Duchity. Un des pneus de sa remorque était en lambeaux. Les vitres du camion ont été brisées aussi».

Après 18 heures de route, marquées par ces épisodes violents, le convoi a finalement réussi à atteindre la ville de Jérémie pour distribuer de la nourriture, de l’eau, des vêtements, des médicaments et des réchauds à kérosène. Pour retourner à Port-au-Prince, mercredi, l’organisme a été escorté par des agents de la Police nationale d’Haïti (PNH). Vendredi, toujours à Jérémie, une autre distribution a mal tourné.

«Certaines personnes qui attendaient en ligne se sont jetées sur les volontaires qui assuraient la distribution et la sécurité du dépôt et l’ont pillé en emportant les sept sacs de riz et les quelques bouteilles d’eau qui restaient», relate Daniel Gerard Rouzier, président du conseil d’administration de Food for the poor Haïti.

Très actif sur sa page Facebook, l’organisme avait pourtant pris soin de ne pas annoncer à l’avance les détails de ces distributions alimentaires afin d’éviter les débordements. «Beaucoup d’aide se concentre dans les grandes villes, alors il se peut que plusieurs communautés se sentent oubliées. Les gens sont angoissés, ils ne savent pas quoi faire», fait valoir Mme Louis. Par ailleurs, une cargaison de 50 tonnes de nourriture acheminée par bateau à Pestel, toujours dans la Grand’Anse, est arrivée à bon port jeudi et la distribution s’est effectuée dans le calme. En près de deux semaines, l’organisme dit avoir distribué plus de 2500 tonnes de nourriture dans plus de 30 communes.

Valéry Daudier, journaliste au quotidien Le Nouvelliste d’Haïti, a été témoin d’une distribution de sacs de riz qui s’est déroulée sous haute tension à Camp-Perrin, situé à environ 20 kilomètres des Cayes, au sud du pays. Lorsqu’il s’est rendu sur place le weekend dernier, après être resté 48 heures sans nouvelle de sa famille en raison des communications téléphoniques difficiles, il a assisté à une scène pour le moins choquante. «Ça a failli virer en émeute. Ce sont les plus forts qui s’arrachaient les stocks», se souvient-il.

Sans avoir été victimes d’attaques dirigées envers leurs équipes, la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en Haïti sont conscientes de la colère grandissante des sinistrés. «La tension est là quand les gens ont faim. Dire que ce n’est pas là, ce serait mentir, affirme Marjorie Jasmin, porte-parole pour le regroupement. Il y a des gens qui nous demandent: pourquoi vous ne nous donnez pas à manger pendant les évaluations? Pourquoi vous ne donnez pas de sacs de riz? Chaque fois qu’on fait un bilan, ça crée des frustrations. Les gens ont tout perdu et ils s’attendent à recevoir de l’aide humanitaire rapidement. Mais on ne peut pas donner n’importe comment».

Depuis le début des interventions d’aide humanitaire, la Croix-Rouge canadienne travaille en appui à la Croix-Rouge haïtienne pour coordonner les opérations de distribution sur le terrain. Jusqu’à présent, les équipes ont acheminé 67 tonnes de denrées et du matériel d’urgence. En collaboration avec la Croix-Rouge canadienne, l’ambassade du Canada a envoyé en début de semaine des articles d’urgence, y compris des bâches, des trousses d’outils pour les abris, des ensembles de cuisine, des trousses d’hygiène et des contenants pour transporter de l’eau potable en toute sécurité, afin de répondre aux besoins immédiats d’environ 2 000 familles touchées par l’ouragan.

Samedi, l’organisme n’était toujours pas en mesure de fournir le bilan des zones d’intervention et la totalité des sommes investies dans leurs missions depuis le passage de l’ouragan. «Il y a certaines distributions qui ont été faites par bateau et nous ne savons pas si les quantités prévues ont été respectées (en raison du poids). Sinon, il y a encore des routes bloquées par des arbres. On doit revoir les plans au jour le jour», explique la porte-parole de l’organisme, Brigitte Gaillis, qui se trouve actuellement à Jérémie pour préparer de nouveaux plans de distribution.

Devant les besoins pressants des communautés les plus durement touchées, le député fédéral d’origine haïtienne Emmanuel Dubourg a annoncé vendredi l’octroi d’une enveloppe de 2 M$ supplémentaires. Ces fonds portent la contribution totale du Canada à 6,08M$ et seront distribués à différents organismes, notamment Médecins du Monde, Oxfam Québec, Action Contre la Faim Canada et le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI).

Jusqu’à présent, le CECI a déboursé plus de 110 000 $ pour appuyer la Coordination des opérations d’urgence dans le département du Sud. Après avoir effectué l’évaluation des dégâts sur le terrain, l’équipe a finalement commencé ses opérations de distribution, mercredi, auprès d’environ 5000 familles se trouvant dans quatre communes, soient celles des Cayes, de Maniche, de Beaumont et de Camp-Perrin. Elles ont reçu des denrées alimentaires, des kits d’hygiène et de cuisine et des pastilles de chlore pour traiter l’eau. Grâce à cette distribution, l’organisme estime que ces familles pourront tenir le coup pendant au moins un mois.

Les besoins en nourriture risquent de devenir de plus en plus importants au cours des prochaines semaines, estime l’organisme. Dans certaines zones, plus de 70 % des cultures ont été détruites. «Banane, avocat, citrons, ainsi que la culture de l’igname, un légume racine très présent dans le Sud et la Grand’Anse et qui contribue à la sécurité alimentaire des familles», souligne Guypsy Michel, directeur du CECI en Haïti.

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