Le mot le plus prononcé lors de ma rencontre avec la femme d’affaires Marianne Burkic: «hybride». L’expression la plus prononcée: «ne pas être enfermée dans une boîte». Son entreprise, son modèle d’affaires, son équipe et elle représentent un joyeux mélange. Elle dit elle-même: «avec Yapouni, les plus belles rencontres ont été le résultat du hasard». Discussion avec une entrepreneure passionnée et très attachante qui a décidé de ludifier l’hospitalisation des enfants.
Marianne Burkic est juriste de formation, mais elle n’a jamais exercé son métier. Elle s’est plutôt dirigée vers une école de commerce et des stages en cinéma. Puis, par amour pour le voyage, elle a passé une année en Australie. Une hybride.
Un jour de 2015, la jeune femme a décidé de participer à un hackathon sur la santé: Hacking Health. «J’ai eu une idée trois jours avant et j’ai décidé de m’inscrire, raconte-t-elle. J’ai pitché l’idée, quatre développeurs ont embarqué, puis, on a gagné le prix coup de cœur! Six mois de réflexion plus tard, j’ai rejoint l’incubateur de HEC Montréal pour en faire une vraie entreprise.»
C’était les prémices de Yapouni et de la ludification de la maladie auprès des enfants. Yapouni est un jeu éducatif disponible sous forme d’application mobile, dont le but est de permettre aux enfants âgés de 3 à 8 ans et à leurs parents de ludifier la maladie et dédramatiser l’hospitalisation. C’est un peu un jeu vidéo, mais c’est un peu un jeu éducatif également.
Marianne Burkic a beau s’être inscrite sur un coup de tête au hackathon, son intérêt pour les enfants malades ne date pas d’hier. Elle a été bénévole dans des hôpitaux pendant plusieurs années, en France d’abord, puis à l’Hôpital Sainte-Justine. Cet engagement fait suite à une expérience personnelle.
«Mon frère et ma sœur ont été dans des processus de soins quand ils étaient enfants et un membre de ma famille vit une maladie lourde depuis plusieurs années», explique-t-elle.
Ce qui la touche le plus dans son projet, ce sont les enfants.
«Ce sont les humains avec qui je me sens le mieux dans la vie», dit-elle. Au fur et à mesure que son projet avançait, elle s’est rendu compte que Yapouni, c’est aussi pour aider les parents et le personnel hospitalier à mieux communiquer avec les enfants.
«[Le projet] appartient au milieu de la santé, à l’industrie créative et à la technologie en même temps, ajoute-t-elle. On doit mélanger des gens qui ne se parlent jamais. Du coup, on n’appartient à aucune boîte!» Hybride, encore une fois.
Le but est de rendre un peu plus ludique une situation qui ne l’est pas. Certes, l’application mobile vise à accompagner les familles, mais surtout à rassurer les enfants et les parents. Elle permet aussi de créer un lien avec le personnel soignant pour améliorer la communication.
«On veut s’adapter à l’enfant et à son niveau de communication. Ce n’est pas parce qu’il est malade qu’il est soudainement devenu un adulte», rappelle l’entrepreneure.
Les hospitalisations d’enfants de 3 à 8 ans représentent 155 000 cas par an, au Québec. Les groupes de réflexion, organisés par l’équipe de Yapouni, ont fait ressortir qu’avant six ans, les parents considèrent que ce n’est pas nécessaire de préparer les enfants à l’hôpital, car ils vont paniquer de façon démesurée alors que rien ne s’est encore passé. À leur arrivée en centre hospitalier, la confiance des enfants envers leurs parents peut aussi être ébranlée. Lorsque les parents disent «ça ne fera pas mal», cela peut être vécu comme un mensonge par l’enfant. Alors, il s’agit de donner des outils de communication aux parents et au personnel hospitalier pour bien faire comprendre la situation aux enfants.
Marianne Burkic a lancé une campagne de sociofinancement sur la plateforme Ulule afin de financer le développement de l’application mobile. En attendant, l’équipe de Yapouni teste l’intérêt du marché, se constitue une base de clients et garde le public intéressé à son projet.
Lorsque je lui demande où elle se voit dans trois ans, Marianne Burkic décrit la mise en place d’une synergie avec les enfants, leurs parents et personnel hospitalier. Elle espère réussir à faire vivre quelques moments de rire aux enfants. Elle ne dit pas un mot sur le montant d’argent que son entreprise pourrait lui rapporter. «Ah oui, l’argent, lance-t-elle, en éclatant de rire. C’est sûr qu’on ne fait pas ce genre de projet pour l’argent. Sinon, on aurait lancé un autre business. On est peut-être une gang d’idéalistes, mais on l’assume.»
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Yapouni est à la recherche de parents d’enfants malades ou non, qui souhaiteraient faire partie de groupes de réflexion. Vous pouvez contacter l’entrepreneure directement.