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En route vers la décarbonisation de l’automobile

Le secteur du transport est responsable de 24% des émissions de gaz à effets de serre dans le monde. Réduire significativement cette empreinte est possible, mais il faudra assister à des transformations sociales, économiques et technologiques majeures pour y arriver. En voici cinq.

Améliorer les véhicules verts
La quantité de véhicules électriques et hybrides rechargeables augmente rapidement sur le marché, mais leur adoption par le grand public demeure marginale. D’ici 2025, le fabricant BMW prévoit offrir 25 modèles de véhicules du genre, mais pourtant, 75% de ses ventes continueront de provenir des modèles à essence.

Même son de cloche du côté d’Audi, pour qui les moteurs à combustion devraient équiper 66% des véhicules vendus au milieu de la prochaine décennie.

L’adoption des véhicules verts grandira d’elle-même avec le temps, à mesure que les modèles s’amélioreront et que les utilisateurs auront l’occasion de les essayer. « Nos études internes démontrent que quand quelqu’un conduit une voiture électrifiée, il ne veut pas revenir en arrière », note Ursula Mathar, vice-présidente responsable du développement durable et de la protection de l’environnement chez BMW rencontrée à Montréal en marge de la conférence sur la mobilité Movin’On.

Des changements technologiques importants devront toutefois survenir pour assurer l’adoption des véhicules purement électriques à plus grande échelle. « Il faudrait avoir une batterie qui se recharge en 4 ou 5 minutes seulement, comme lorsqu’on fait le plein d’essence », croit le directeur général du Centre d’excellence en électrification des transports et stockage d’énergie d’Hydro-Québec Karim Zaghib.

L’un des deux projets importants de la société d’État concerne justement un nouveau genre de batteries, des batteries solides, qui pourraient permettre d’atteindre de telles performances. Celles-ci pourraient aussi être plus faciles à recycler que celles sur le marché actuellement.

Pour Ursula Mathar, les fabricants devront d’ailleurs mesurer l’impact environnemental de leurs véhicules pendant toute leur durée de vie, et non seulement lorsqu’ils sont sur la route comme c’est généralement le cas. « C’est ce que nous faisons avec notre i3, note-t-elle. Nous calculons les effets de la production des matériaux, de la fabrication du véhicule, de son utilisation et de son recyclage ».

Installer les infrastructures nécessaires
Des voitures améliorées ne seront pas suffisantes à elles seules pour décarboniser l’industrie du transport. « Nous n’avons tout simplement pas les infrastructures nécessaires pour assurer l’adoption des véhicules électriques », croit Peter F. Tropschuh, directeur du développement durable chez Audi. « C’est premier point qu’il faut améliorer, mais aussi le second et le troisième », illustre-t-il.

Pour ce dernier, la bataille est donc en grande partie entre les mains des pouvoirs politiques.

Concevoir une alimentation intelligente
La voiture électrique ne contribuera pas à la décarbonisation des transports si l’électricité utilisée pour la propulser vient d’usines au charbon ou au gaz naturel.

La mise en place d’infrastructures intelligentes pourrait contribuer à régler ce problème, surtout dans les pays qui utilisent seulement en partie de l’énergie verte. Des fabricants et des fournisseurs d’énergie comme Hydro-Québec travaillent ainsi à élaborer des bornes pouvant recharger les véhicules uniquement en dehors des heures de pointe, et même à remettre l’énergie potentiellement propre des voitures vers le réseau ou sa maison pour équilibrer la demande et maximiser l’utilisation de l’énergie provenant de sources renouvelables.

En optimisant les systèmes et intégrant les batteries des voitures aux réseaux électriques, certains pays pourraient par exemple maximiser l’utilisation de l’énergie solaire captée le jour, tout en minimisant celle provenant des usines au charbon.

Réimaginer le modèle d’affaires de l’automobile
Le modèle de la propriété de la voiture est appelé à changer, estiment la plupart des observateurs rencontrés cette semaine à Movin’On.

L’adoption de l’autopartage, comme les services Communauto et Car2Go à Montréal, devrait avoir un impact majeur sur la décarbonisation de l’industrie.

« De trois à cinq voitures peuvent être remplacées par une seule voiture partagée », observe Ursula Mathar de BMW, qui offre des services du genre aux États-Unis et en Europe. Non seulement le partage permet de réduire le nombre de véhicules fabriqués, mais les utilisateurs de ces services prennent leur véhicule en moyenne 20% moins souvent. « Puisque la voiture n’est pas devant chez eux et qu’ils doivent payer à l’utilisation, ils sont plus consciencieux », estime la vice-présidente.

L’arrivée éventuelle des véhicules autonomes devrait d’ailleurs contribuer à l’adoption de ce modèle, puisqu’il ne sera plus nécessaire de se déplacer pour obtenir un véhicule.

Miser dans les transports en commun
Peu importe les solutions envisagées par les fabricants automobiles, la décarbonisation des transports passe surtout par l’adoption du transport en commun.

Lorsque quelqu’un participant à la conférence lui demande si l’arrivée des voitures autonomes ne devrait pas remettre en question la construction de nouvelles infrastructures de transport en commun, le directeur général de l’Institut du transport innovant François Adam est d’ailleurs sans équivoques : « du transport en commun, il n’y en a jamais de trop ».

Oui, l’adoption de la « mobilité comme un service » pourrait contribuer à réduire le nombre de véhicules sur les routes (et surtout libérer les espaces de stationnement qui pourront être utilisés pour autre chose), mais ce sont les transports en commun qui ont le plus grand impact sur le trafic et la décarbonisation.

Pour François Adam, les deux concepts ne sont d’ailleurs pas mutuellement exclusifs. « On ne peut pas avoir du transport en commun efficace partout. Mais (les véhicules autonomes) peuvent s’intégrer au transport en commun », estime-t-il.

Ce ne sont pas les défis qui manquent pour décarboniser l’industrie du transport. Heureusement, des solutions commencent à se pointer à l’horizon. À condition que les technologies tiennent leurs promesses, que les gouvernements adoptent les mesures nécessaires et que les consommateurs acceptent de changer leurs comportements.

Qui a dit que ce serait facile ?

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