Au tout début de notre conversation, Adeola Odusanya m’explique qu’elle préfère dire «travailler en cannatech», [contraction de cannabis et technologie] plutôt que «travailler en weedtech» [contraction de weed et technologie]. Ça fait moins poteux», ajoute-t-elle.
Bluhen Solutions est le nom de la start-up créée par la jeune ingénieure. Elle est actuellement incubée au Centre d’entrepreneurship technologique, à Montréal, pour une période de deux ans. Cette start-up planche sur la conception d’un appareil électronique qui permettra de préparer la dose exacte de cannabis à ingérer sous la langue par des patients, de même que d’un logiciel qui fera le suivi de la consommation et du dosage. Un mini-sondage enregistrera les commentaires du patient sur son état.
La fondatrice de Bluhen Solutions veut collecter ces données et les analyser pour aider les professionnels de la santé à prescrire des doses adéquates. On pourra en déduire, par exemple, qu’une femme âgée de 20 à 30 ans, pesant tel poids et souffrant de telle maladie a besoin d’une dose comprise entre X et Y grammes.
Présentement, il y a très peu de données autour du dosage du cannabis. Ce manque empêche l’industrie de progresser. «Contrairement à d’autres médicaments, le cannabis n’a pas 20 ou 30 d’années de recherches alors que le cannabis médical est légal que depuis 2001 au Canada», raconte l’ingénieure.
Parce qu’il y a peu de recherches, les médecins ne savent pas la quantité de cannabis à prescrire à un patient, souligne Adeola. Ce dernier pourrait donc se voir refuser une prescription ou recevoir une dose trop faible ou trop grande.
La moitié des journées d’Adeola Odusanya sont passées à expliquer les bénéfices du cannabis, au lieu d’expliquer ce qu’elle essaie d’accomplir avec sa start-up. «Beaucoup de personnes n’ont pas encore compris les bénéfices et les possibilités offerts sur le plan médical, dit-elle. C’est tellement plus que de la drogue récréative. Il s’agit d’un véritable outil de santé!»
Elle espère que la perception changera une fois que la loi sur la légalisation du cannabis entrera en vigueur. «L’industrie du cannabis est probablement une des rares industries où la loi est en avance par rapport à la société», laisse tomber Adeola Odusanya.
«L’industrie du cannabis, ce n’est clairement pas comme l’intelligence artificielle (IA), dans laquelle tout le monde veut travailler. Il n’y a pas de cadre légal pour l’IA alors que pour le cannabis, oui, mais les gens sont réticents.» – Adeola Odusanya, fondatrice de la start-up Bluehen Solutions.
La jeune femme a eu l’idée de créer Bluhen Solutions alors qu’elle était étudiante à l’Université McGill. «On commençait à parler du cadre légal d’application du cannabis au Canada et je me cherchais un projet d’entreprise, raconte-t-elle. Après en avoir parlé autour de moi, j’ai compris la difficulté à connaître exactement la quantité de cannabis qui se trouve dans les produits à consommer, comme les biscuits. En poussant la réflexion plus loin, j’ai réalisé que le problème n’était pas seulement la quantité de cannabis contenue dans un biscuit, mais la quantité de cannabis que je devrais ingérer pour obtenir l’effet recherché.»
On dit qu’on se lance en entreprenariat pour résoudre des problèmes, celui d’Adeola vient tout juste d’apparaître.
L’entreprenariat est hautement motivant, mais c’est également fait de passages difficiles.
«Il faut savoir demander de l’aide et ça commence par reconnaître qu’on ne sait pas tout. La plupart du temps, je mets une carapace et je prétends que je sais tout faire, mais il y a aussi d’autres moments où je n’ai aucune idée.»
Être une femme ne rend pas la tâche plus facile. Au contraire. «En tant que femme, je dois prouver à tout le monde que j’ai ma place ici», lance Adeola.