En 2013, Sheryl Sandberg offre au monde «une bible de la femme d’affaires féministe», qui veut briser le plafond de verre. Le livre intitulé Lean In devient un best-seller. Cinq ans plus tard, il s’échange toujours dans les groupes de soutien de femmes. En substance, l’autrice exhorte les femmes à diriger plutôt que suivre. Elle les pousse à saisir les rênes du pouvoir et prendre leur place.
Qu’on aime ou pas Sheryl Sandberg, tout le monde reconnaît qu’elle a joué un rôle dans l’émancipation des femmes dans le monde du travail. Mais le féminisme à la Sandberg n’a jamais fait l’unanimité. Certaines la détestent, d’autres ne la considèrent même pas comme une féministe ou parlent de son féminisme trop «blanc» ou trop «corporate».
Sheryl Sandberg est très probablement la femme en technologie la plus connue au monde, Marissa Mayer, l’ex-PDG de Yahoo, ayant disparu des radars. Elle est le numéro deux de Facebook et généralement celle à qui l’on pense lorsqu’on cherche à nommer une femme puissante dans le monde des affaires. Ces dernières années, elle a été pratiquement aussi visible que Mark Zuckerberg pour représenter le réseau social.
Diplômée de Harvard, Sheryl Sandberg a travaillé pour l’administration Clinton dans les années 1990 avant de rejoindre Google au début des années 2000. Elle quitte l’entreprise en 2008 pour devenir directrice d’exploitation de Facebook, contribuant ainsi à en faire une des plus puissantes compagnies du monde. Le rêve de toute femme ou homme d’affaires? Oui, jusqu’à il y a quelques semaines…
Le début de la fin?
Un article du New York Times paru le 14 novembre critique vivement le numéro deux de Facebook. Elle aurait essayé de faire taire ses collègues sur l’ingérence de la Russie lors des élections américaines de 2016. Elle aurait également mené une campagne particulièrement agressive et calculée pour s’attaquer aux critiques contre Facebook lors de la tempête qui a suivi, mais aussi celle survenue après le scandale de Cambridge Analytica.
Pour couronner le tout, un autre article, paru dans le Wall Street Journal, suggère que Mark Zuckerberg impute une partie de la responsabilité de ces récents scandales à Sheryl Sandberg et qu’il se pourrait bien qu’elle quitte ou soit remerciée dans un avenir très proche.
Quelles conséquences pour la féministe?
Pour donner une ampleur de la bisbille, voici que quelques titres d’articles publiés ces dernières semaines: «Peut-être que quelqu’un devrait sortir (Lean out)» (Jezebel), «Lean In a perdu toute crédibilité» (The Nation), «Les féministes ont donné une passe gratuite à Sheryl Sandberg. Maintenant elles doivent la lui retirer» (The Guardian), etc.
The Atlantic titrait qu’elle avait perdu sa crédibilité de féministe en ne cherchant pas à «rendre le monde meilleur», comme elle l’avait suggéré pendant la promotion de son livre Lean In. Elle a plutôt cherché à protéger son employeur et sa réputation, coûte que coûte.
Le monde semble avoir réalisé à ce moment-là qu’être féministe ne signifie pas se comporter de manière éthique. Bienvenue en 2018, où les femmes peuvent utiliser les mêmes techniques que les hommes pour arriver à leurs fins! Les femmes au pouvoir sont jugées comme étant autoritaires et sournoises, alors qu’elles reproduisent la manière de faire des hommes, à qui on ne reproche rien.
Je ne suis pas en train de dire que Sheryl Sandberg n’a rien fait de répréhensible. Je dis que les décisions qu’elle a prises dans le cadre du scandale de Cambridge Analytica ou des élections de 2016 ne font pas d’elle une antiféministe.
Le féminisme à la Sandberg a pour objectif de rendre les femmes plus puissantes, pas d’en faire des Câlinours. Pourquoi ne veut-on pas croire qu’une féministe soit capable de telles choses? Parce qu’on veut que les femmes soient bonnes et maternelles. Il s’agit de leur dire ce qu’elles devraient être au lieu de les laisser décider par elles-mêmes.
Si Sheryl Sandberg quitte Facebook prochainement, que se passera-t-il? On parlera de l’échec d’une femme et non pas de l’échec du numéro deux de Facebook. Rappelant ainsi que quels que soient ses succès, Sheryl Sandberg reste tout d’abord… une femme. Et puis on finira par l’oublier. Quand avez-vous entendu parler de Marissa Mayer pour la dernière fois, vous?