Chris Boucher et Luguentz Dort font la fierté de Montréal-Nord ; l’un est champion avec les Raptors de Toronto, l’autre sera un joueur à surveiller lors du prochain repêchage de la NBA. Si le quartier a indéniablement la passion du basketball, de meilleurs programmes de détection et de développement des habiletés chez les enfants pourraient lui permettre de devenir une pépinière de joueurs. Survol.
Pour les jeunes passionnés de basketball de Montréal-Nord, le parcours de Luguentz Dort, qui a grandi dans le quartier, représente bien plus qu’une fierté.
«De voir Luguentz en arriver là, c’est une motivation de plus», affirme Raphaël Constant, ancien joueur des Béliers d’Henri-Bourassa qui intégrera bientôt l’équipe de basketball en division 1 des Cavaliers du Collège Champlain. Quand des jeunes de bas âge vont voir ça, ils vont dire “il vient du même endroit que moi, peut être que je peux faire la même chose”».
Nelson Cilien, lui aussi ex-joueur des Béliers, ira jouer pour le Collège Brébeuf en division 1 la saison prochaine. Il ne cache pas ses ambitions. «Moi mon but, c’est d’aller jouer pro. Si j’ai une occasion d’aller dans la NBA, je vais tout donner».
«Je pense que la popularité de Luguentz Dort va faire une énorme différence. Les jeunes de Montréal-Nord vont vraiment croire que leur rêve est réel, parce que lui a grandi à Montréal-Nord». -Ricardo Telamon, coordonnateur de basketball de l’École secondaire Henri-Bourassa.
Des ressources qui s’améliorent
Au Québec, contrairement à d’autres sports compétitifs, les adolescents qui souhaitent atteindre le plus haut niveau en basketball doivent jouer pour leur école.
Cette formule est défendue par Ricardo Telamon, coordonnateur de basketball de l’École secondaire Henri-Bourassa. Mais celui-ci concède qu’elle a certaines limites, comme l’argent.
«À Montréal-Nord, ce qui limite le plus [le développement du basketball], c’est le côté financier, observe-t-il. Pour développer des jeunes, ça prend un peu plus d’argent pour payer les coachs et faire des petits voyages qui permettent de jouer contre de la très bonne compétition, en Ontario ou aux États-Unis.»
Ces voyages, Ricardo Telamon a décidé de les organiser indépendamment, en participant à la création d’une équipe élite pour l’est de Montréal dans le cadre du programme Montreal Prospects. Des jeunes pourront ainsi jouer dans une ligue AAU qui compte des équipes américaines et canadiennes.
Selon lui, ces rencontres avec des joueurs d’élite peuvent être cruciales dans le développement d’un jeune talent montréalais. Mais il en faudrait encore plus.
Par exemple, créer des programmes compétitifs dans des écoles primaires. «Le développement, si ça commence à 12 ou 13 ans, c’est trop tard, avance-t-il. Le vrai développement se passe à l’âge du primaire.»
«Honnêtement, commencer jeune et savoir déjà la base, c’est mieux, croit Nelson Cilien. Quand tu grandis après, les choses sont plus faciles et ton basket va se développer à une vitesse incroyable.»
«Ce qui limite les écoles primaires à faire ça [avoir des programmes de basketball], c’est vraiment l’argent», indique M. Telamon. Pour cette raison, l’École Henri-Bourassa lancera à la prochaine rentrée un programme intitulé «Mini HB» pour développer des jeunes talents en 4e, 5e et 6e années du primaire.
Conserver l’accessibilité
Les équipes de basketball de Montréal-Nord regroupent d’excellents joueurs, mais comment assurer qu’un talent ait accès à ces programmes et se développe malgré une situation financière précaire? La réponse se trouve en partie chez des organismes comme Ballons intensifs. Depuis 2009, il permet à des adolescents de l’est de Montréal de participer gratuitement à des camps d’été de basketball.
«Pour que le jeune donne le meilleur de lui-même, il faut que la société et son environnement lui donne le meilleur, et ce n’est souvent pas le cas dans les quartiers où on intervient. Il reste encore beaucoup de travail à faire», indique Ernest Edmond, directeur du programme Ballons intensifs
Bien que ses services soient gratuits, Ballons intensifs ne vise pas le minimum. Depuis 2013, il s’est doté de budgets grâce à des subventions et des campagnes de financement pour rémunérer des entraîneurs. «On essaie d’offrir la même qualité de service de tout autre camp», soutient Ernest Emond. Si tu as le goût de poursuivre, notre programme va te donner tous les outils nécessaires pour que tu le fasses».
Pendant que les ressources s’améliorent, Ernest Emond pense qu’un organisme comme le sien restera essentiel. «On est un tremplin pour les programmes d’élite», dit-il.
Selon lui, compte tenu de la progression du basket élite au Québec et au Canada, Chris Boucher et Luguentz Dort ne seront plus les seuls à atteindre le plus haut sommet.