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Mode de scrutin: sondage ridiculisé

Fannie Olivier, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Sondage sérieux sur la réforme démocratique ou test de personnalité digne d’un magazine à potins? Les critiques — et les moqueries —ont fusé quelques heures après la mise en ligne d’un sondage du gouvernement fédéral sur le mode de scrutin.

L’exercice est passablement long: une trentaine de questions sur les «valeurs» et les «préférences» de l’électeur, qui doit également dresser la liste de ses priorités en matière de démocratie, ainsi que répondre à des questions sur sa situation socio-économique.

Jamais lui demande-t-on le mode de scrutin qu’il aimerait voir adopté au Canada ni s’il voudrait qu’un référendum soit tenu sur cette question.

À la fin du sondage, l’électeur reçoit son «résultat»: il fait partie du groupe des «innovateurs», des «coopérateurs», des «défenseurs», des «pragmatiques» ou des «critiques».

Les Canadiens devraient recevoir cette semaine une carte postale les invitant à répondre à ce sondage sur le site mademocratie.ca ou par téléphone. On ignore comment Ottawa utilisera les résultats.

Les internautes n’ont pas manqué de tourner en dérision le sondage, parodiant les résultats en y mettant la photo d’un personnage de série télévisée. D’autres se moquaient des choix proposés en y allant à la blague de suggestions incongrues.

La chef du Parti vert, Elizabeth May, a ajouté son grain de sel sur Twitter, comparant l’exercice à un test sur un site de rencontres. «Ils ont oublié « aimez-vous les pina coladas et prendre des marches sous la pluie? »», a-t-elle ironisé.

Selon le député néo-démocrate Nathan Cullen, si les citoyens se permettent de rigoler ainsi, c’est qu’ils ne sont pas dupes. «Lorsque les Canadiens se moquent ouvertement et complètement des efforts du gouvernement, c’est parce qu’ils ne croient pas que ces efforts sont sincères», a-t-il soutenu lundi.

Le dévoilement du sondage élaboré par la firme torontoise Vox Pop Labs survient alors que la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, a rejeté le rapport majoritaire du comité multipartite sur la réforme électorale. On y recommandait de proposer un nouveau mode de scrutin proportionnel et de le soumettre ensuite aux Canadiens par référendum. Mme Monsef reprochait au comité d’avoir «abdiqué» plutôt que de «prendre les décisions difficiles». Elle s’est par la suite excusée pour ses propos.

Questions étonnantes

Les questions posées dans le questionnaire sont parfois difficiles à comprendre. On demande notamment au participant s’il est en accord avec cette affirmation: «On devrait toujours pouvoir déterminer clairement à quel parti attribuer les décisions prises par le gouvernement, même s’il fallait pour cela que toutes les décisions soient prises par un seul parti».

Selon des députés d’opposition, on se demande également à quoi certaines questions font référence, lorsqu’on demande par exemple s’il devrait y avoir une grande diversité de partis «même si certains étaient considérés comme radicaux ou extrêmes».

Il est possible de remplir plusieurs fois le questionnaire, ce qui a également provoqué les critiques des députés de l’opposition.

«Les questions sont farfelues, ne sont pas scientifiques, sont biaisées, et en plus de ça, on peut répondre chacun 25, 50 fois si ça nous tente. Je ne sais pas comment on va faire pour tirer des conclusions scientifiques de cette patente-là», a déploré le néo-démocrate Alexandre Boulerice.

Selon les néo-démocrates, le sondage est une stratégie des libéraux pour ne pas remplir leur promesse de faire en sorte que l’élection de 2015 soit la dernière élection fédérale organisée selon un scrutin majoritaire uninominal à un tour.

C’est également ce que croit le bloquiste Luc Thériault, qui déplore que la ministre Monsef ait fait peu du cas du rapport du comité sur la réforme électorale.

«Moi, je pense que le rapport, on l’a déjà classé. Il doit être sur la deuxième tablette dans son bureau. Pour ce qui est de la suite des choses, ils vont essayer de ne pas perdre la face et essayer de faire des changements accessoires à la loi électorale», a-t-il dit.

Aux yeux des conservateurs toutefois, c’est plutôt une façon pour les troupes de Justin Trudeau de mettre de l’avant le mode de scrutin qui les avantagerait. «La réalité, c’est quoi? C’est que les libéraux essaient de se sculpter quelque chose pour tenter de justifier leur choix, c’est-à-dire le choix préférentiel», a accusé le député conservateur Gérard Deltell.

MM. Cullen et Boulerice devaient rencontrer en soirée Mme Monsef, pour lui demander quel est «son plan» pour la suite des choses.

Le gouvernement se défend en affirmant que les questions portent sur les valeurs et les priorité des Canadiens. En Chambre, la ministre a vanté le sondage comme étant une façon pour les Canadiens d’avoir leur mot à dire.

«Depuis seulement quelques heures, plus de 8000 utilisateurs ont participé à cette conversation à propos des valeurs qui leur sont chères. Nous avons hâte d’en entendre bien d’autres au cours de ce mois», a-t-elle indiqué.

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