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Les jeunes boudent les partis politiques traditionnels

Photo: Graham Hughes/The Canadian Press

MONTRÉAL – Bien qu’une récente étude d’Élections Canada ait constaté une augmentation importante de la participation des jeunes à la dernière élection fédérale, ces derniers continuent de se tenir l’écart des institutions politiques traditionnelles — ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils ne se soucient pas de la société qui les entoure, affirme une chercheuse de l’Université de Montréal qui a organisé un colloque sur le sujet cette semaine.

Valérie Anne Mahéo, instigatrice d’un forum sur l’engagement des jeunes dans les institutions démocratiques qui se déroule à l’université McGill ces jours-ci, souligne que beaucoup de jeunes se décrivent comme des indépendants qui n’ont aucune attache envers un parti politique ou un autre comme le faisaient leurs parents ou leurs grands-parents.

Cela s’explique entre autres par la méfiance qu’ils portent à l’égard des partis.

Selon l’Étude canadienne de la jeunesse 2015 menée par l’université McGill et l’UQAM — une enquête auprès de 1000 jeunes ontariens et québécois publiée dans les derniers jours — 70 pour cent des répondants considéraient que les partis politiques étaient des «machines électorales» uniquement intéressées par le vote des gens.

En fait, ils croient que les partis politiques ne s’intéressent pas vraiment à leurs opinions et leurs intérêts — et ils n’ont pas tort, visiblement.

L’Enquête nationale auprès des jeunes révèle que moins du tiers d’entre eux dit avoir été contacté par les partis. En revanche, parmi les électeurs de plus de 35 ans, 60 pour cent disent avoir été approchés par les partis, soit près du double de la proportion de jeunes.

«Les partis politiques, puisqu’ils veulent optimiser leurs ressources, ils se concentrent sur les électeurs qui vont être plus portés à aller voter. Ils se concentrent sur d’autres groupes d’âge», explique Mme Mahéo.

Ainsi, cette méfiance, conjuguée à ce manque de contact de la part des partis donnent lieu à une implication faible de la part des jeunes dans les institutions politiques traditionnelles. Mais cela ne signifie pas que les jeunes soient déconnectés de leur société.

Selon l’Étude canadienne de la jeunesse, 70 pour cent des répondants affirment avoir versé des dons à des organisations sociales ou politiques, tandis que 60 pour cent ont signé des pétitions. De plus, environ 50 pour cent affirment boycotter certains produits pour des raisons éthiques et politiques.q

«Les jeunes sont actifs et participent de différentes manières et des fois ils ne privilégient pas forcément la participation avec un geste une fois tous les quatre ans, mais de manière plus quotidienne, et de manière plus individuelle parfois», a précisé Mme Mahéo.

Mme Mahéo note que les citoyens adhérant aux ailes jeunesse des partis représentent une minorité de la population.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ) n’ont pas voulu révéler le nombre de membres jeunes, évoquant des raisons de confidentialité. Comme ces informations ne sont pas consignées par le Directeur général des élections du Québec, il est impossible d’y accéder si le parti refuse de les rendre publiques.

À la Coalition avenir Québec (CAQ), 15 pour cent des membres sont âgés entre 18 et 30 ans. Chez Québec solidaire, les 18 à 35 ans représentent 35 pour cent des membres au parti.

Certains jeunes décident tout de même de se lancer dans l’arène politique, parfois parce qu’eux-mêmes font les premiers pas, ou parce que leurs parents les ont influencés en ce sens.

Pour rejoindre plus de jeunes, les partis auraient avantage à communiquer avec eux et à ajouter dans leurs programmes des sujets qui les intéressent. «Si les jeunes voyaient vraiment qu’on parle d’enjeux qui leurs sont chers, qui sont importants pour eux, je pense que ça pourrait les interpeller», a indiqué Mme Mahéo.

Selon Élections Canada, entre 2011 et 2015, le taux de participation des jeunes de 18 à 24 ans a grimpé de 18,3 points de pourcentage, passant de 38,8 % à 57,1 %.

Ce chiffre a également augmenté chez les 25 à 34 ans, alors que 57,4 % d’entre eux se sont rendus aux urnes en 2015 par rapport à 45,1 % en 2011. En général, le taux de participation au Canada était estimé à 66,1 % en ce qui concerne les électeurs admissibles.

Des jeunes impliqués

Jean Habel, 28 ans

Jean Habel est le plus jeune au caucus libéral et parmi tous les députés élus à l’Assemblée nationale. Il a commencé à s’impliquer dans la Commission jeunesse du Parti libéral en 2008, alors qu’il n’était âgé que de 20 ans. Il a été membre de plusieurs conseils d’administration d’organismes de charité et pour lui, la politique était un moyen de «pousser son dévouement pour la communauté». Il est particulièrement fier d’avoir présenté le projet de loi 693, qui vise à inclure davantage les jeunes dans les conseils d’administration des sociétés d’État. «Lorsque je l’ai présenté à l’Assemblée nationale, j’ai même eu des applaudissements du PQ et de la CAQ qui semblaient très favorables», a-t-il souligné.

Mathieu Traversy, 32 ans

C’est à l’âge de 17 ans que le benjamin de la députation péquiste a commencé à s’engager au sein du Parti québécois, attiré par la cause de l’indépendance du Québec. Il a été élu une première fois en 2008, et à l’époque, il était le plus jeune député à l’Assemblée nationale. Selon lui, les jeunes ne sont pas moins désabusés que les autres citoyens. «Le cynisme est assez répandu dans toutes les strates d’âge qu’on peut analyser au Québec», a-t-il suggéré. Il demeure toutefois conscient qu’il a un rôle pour rejoindre particulièrement les jeunes. «La responsabilité que j’ai en tant comme plus jeune député du Parti québécois, c’est d’amener mon parti à se moderniser constamment, à s’améliorer, à changer pour faire de la place à l’ensemble des générations», explique-t-il.

Simon Jolin-Barrette, 29 ans

Élu sous la bannière de la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2014, M. Jolin-Barrette s’était présenté pour une première fois en 2012 à l’âge de 25 ans. Il a été interpellé par le message de son chef, François Legault, qui avait fait une tournée du Québec en 2011 avant la création de son parti. «C’est à travers les partis politiques qu’on peut véritablement changer les choses. Parce qu’en politique, c’est un peu du touche-à-tout (…) Pour moi, c’est le meilleur véhicule pour s’impliquer», a-t-il expliqué. Il dit représenter sa génération en abordant les enjeux avec la perspective des jeunes. «Je pense que je peux apporter une touche là-dessus pour défendre la perception des jeunes par rapport à certains éléments, comme les collègues qui sont plus âgés que moi, eux, ont une certaine expérience et peuvent voir un aspect d’une différente frange de la population», a-t-il ajouté.

Marie-Ève Rancourt, 37 ans

Mme Rancourt est militante chez Québec solidaire depuis qu’elle a 27 ans. «J’ai toujours milité dans les mouvements sociaux, dans les mouvements féministes depuis que je suis relativement jeune (…) Je me suis rapidement aperçue que sans un relais politique qui pourrait mettre de l’avant les mesures réclamées par les mouvements sociaux, (ces politiques) resteraient lettre morte», a-t-elle affirmé. Elle assure qu’il y a de la relève dans son parti, bien que les trois députés actuels dépassent tous la cinquantaine. «Pour moi, Québec solidaire c’est tellement pas un parti de vieux, au contraire, dans les instances les jeunes sont tellement présents», a-t-elle déclaré.

Gabriel Nadeau-Dubois, 26 ans

L’ex-représentant étudiant qui a été l’un des porte-étendards de la cause étudiante lors du «printemps érable» de 2012 affirme avoir reçu beaucoup d’offres de partis politiques. Au lendemain de la crise étudiante, il considérait important de garder une certaine distance «par respect pour le mouvement qui venait tout juste de se terminer», et il a préféré se concentrer à terminer ses études. Encore aujourd’hui, il estime qu’il lui reste encore à cheminer avant de faire le saut. «Actuellement, je suis encore en train d’évoluer, puis de réfléchir à ce qu’il faut faire au Québec», a-t-il expliqué. Il a également avoué qu’il n’y a aucun parti avec lequel il se sent «complètement à l’aise». «Il y a des gens très bien intentionnés (…) Il y a plein de gens qui essaient. Mais je ne vois pas actuellement le véhicule qui pourrait être en mesure de changer le Québec rapidement», a-t-il souligné.

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