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Le parcours atypique d’un cinéaste

Photo: Collaboration spéciale

À la veille des célébrations gaies à Montréal, Métro a invité les gagnantes 
de plusieurs prix Juno Tegan and Sara à participer à ce dossier spécial gai.
 Elles nous présentent quelques jeunes Canadiens qui font une différence 
dans la communauté LGBTQ de tout le pays.

D’abord un film, What I Love About Being Queer a ensuite été un compte Tumblr, puis est devenu un beau livre. Voici l’étonnante évolution du projet multimédia de Vivek Shraya.

«Je concentre mon attention sur les différentes façons dont le monde s’est amélioré pour les personnes queer, en particulier depuis que je suis né, affirme Vivek Shraya. Cependant, voir que des jeunes qui ont 10 ans de moins que moi traversent les mêmes doulou­reuses épreuves que j’ai vécues quand j’ai fait mon coming out – “Mes parents vont me rejeter. Je me dégoûte. Est-ce que c’est une phase? Est-ce que ça va s’en aller?” –, ça me trouble énormément.»

M. Shraya est conseiller pour les droits de l’Homme le jour, et musicien, cinéaste et auteur la nuit. Ce sont les relations qu’il a nouées avec les étudiants LGBTQ rencontrés dans le cadre de son travail au service Diversité, Équité et Droits de l’Homme du collège George Brown, à Toronto, qui lui ont inspiré son grand projet What I Love About Being Queer (Ce que j’aime du fait d’être queer).

«Je voulais présenter les côtés positifs du fait d’être queer, explique-t-il. Dire aux étudiants LGBTQ: “Cette partie complexe de votre personnalité que vous ne savez pas comment réconcilier avec le reste aujourd’hui est aussi quelque chose qui vous rend beaux. C’est une chose qui devrait être célébrée.»

Pour répondre aux questions de ces étudiants, il en a posé une. «Je me suis dit qu’il pouvait être intéressant de demander aux gens ce qu’ils aiment du fait d’être queer», se remémore M. Shraya. Mais c’est une question à laquelle il n’était même pas sûr de pouvoir répondre lui-même. «Plusieurs d’entre nous ont grandi dans un monde où on apprend d’abord les choses négatives, notamment à propos des queer.» Jeune homosexuel sud-asiatique ayant grandi à Edmonton dans les années 1990, il a bien connu le négatif – en premier lieu l’homophobie et le sentiment d’isolement –, mais ces épreuves lui ont aussi permis de se recentrer.

Dans le cadre de son projet, il a installé son équipement cinématographique dans son salon et a demandé à des amis de l’aider pour le tournage. «J’ai ensuite contacté des gens qui m’ont inspiré: des éducateurs, des militants, des artistes, poursuit-il. Je voulais aussi beaucoup de gens de couleur, c’était important pour moi.» Au final, le film présente 34 personnes. M. Shraya était content, mais ne voulait pas s’arrêter en si bon chemin.

«Je sentais que je ne parviendrais pas à capturer entièrement l’incroyable diversité de la communauté queer», note-t-il. C’est à ce stade qu’il a pensé à Tumblr. «Cela en a fait un projet ouvert. N’importe qui, n’importe où, pouvait soumettre une réponse», indique-t-il. En l’espace de 6 mois, il a reçu plus de 200 témoignages de partout dans le monde.

L’idée d’un livre n’a pas germé dans son esprit, mais dans celui de son amie Farzana Doctor, une écrivaine qui lui a dit qu’un beau livre grand format serait une merveilleuse façon d’élargir la portée de son projet.

Au début, M. Shraya n’était pas convaincu. «Voir autant de personnes expliquer à la caméra ce qu’elles aiment du fait d’être queer, c’est vraiment efficace», mentionne-t-il. Il craignait que l’immédiateté et l’intimité de l’expérience disparaissent sur papier.

Puis, il s’est mis à réfléchir à l’impact qu’un tel livre aurait eu sur lui plus jeune. «Si quelqu’un m’avait donné un livre comme celui-là quand j’avais 16 ans, alors que je me débattais avec ce que j’étais… Mais je n’aurais même pas pu imaginer quelque chose comme ça à cette époque», confie-t-il.

M. Shraya a ensuite soumis à sa conseillère au collège George Brown, Dale Hall, une proposition: si le département l’aidait à financer son projet, il utiliserait le produit de la vente de l’ouvrage pour créer un prix du leadership destiné aux étudiants LGBTQ. «Ma présentation a duré 10 minutes, raconte-t-il. Puis, je lui ai demandé si elle avait des questions. Elle m’a dit non. Et voilà. Dale a vraiment très bien défendu ce projet.»

Avec l’appui de Mme Hall, le livre a été réalisé rapidement. Il comporte des photos du film et des échantillons du compte Tumblr, en plus de contributions faites par des spectateurs lors de la projection du film. Parmi les visages connus qu’on y trouve, citons ceux de Sook-Yin Lee et de Tegan Quin, entourés de photos et de citations de personnes queer de tous âges, races, orientations et nationalités.

M. Shraya a envoyé des exemplaires de son livre partout en Amérique du Nord, en Allemagne, au Pérou, au Brésil et en Inde. Plus de 11 000$ ont déjà été amassés pour doter le prix Positive Space, et le livre a été mis en nomination pour un prix Lambda Literary.

Dans un monde où tant de représentations culturelles de la communauté gaie ont un côté tragique, M. Shraya est heureux de montrer ce qui est positif. «Il est essentiel de faire connaître ces histoires [tragiques], mais je pense qu’il est tout aussi important de faire savoir que nous menons des vies qui sont riches, insiste-t-il. Nous bâtissons des communautés, nous réalisons des œuvres formidables, nous sommes drôles. Il y a toutes ces facettes de nous qu’on perd parfois de vue.»

Des Canadiens expliquent pourquoi ils aiment être queer
Dans le cadre de son projet, Vivek Shraya a invité les gens à expliquer ce qu’ils aiment le plus du fait d’être queer. Les réponses, recueillies sont variées, drôles, touchantes, émouvantes.

  • Eddie Ndopu, Ottawa: «Être queer, ça me convient. Ça me convient parce que ça résume le dynamisme de ma sexualité sans imposer de restrictions à mon expression de genre. Le mot queer ménage une place à ma femme-inité et à l’incarnation de mon (handi)cap d’une façon dont sont incapables les termes « gai » et « partenaires de même genre ». Pour moi, queer signifie obscurité rayonnante, amour radical et un million et une façon de résister et de décoloniser. Être queer, c’est être imprégné d’une profonde spiritualité et d’une grande douceur.»
  • Billy Terry, Toronto: «J’aime vivre dans des endroits pleins de cinglés – des jeunes fous de la mode faussement déconnectés, des punks, des artistes, des fanatiques de comics – et savoir que nous pouvons tous compter les uns sur les autres. J’aime aussi les poils de torse.»
  • Asam Ahmad, Toronto: «En raison de tout ce que j’ai traversé, j’apprécie aujourd’hui encore plus cette partie de mon identité. C’est une chose pour laquelle j’ai dû me battre – cela ne m’a pas simplement été donné.»

L’avis de Tegan Quin

Tegan and sara CommentairesQuand j’ai rencontré Vivek, il y a plus de 10 ans, j’ai été frappée par son côté positif. Ce qui est un peu particulier si on considère que, la première fois où nous nous sommes «rencontrés», Vivek m’a lancé un CD sur scène et a raté ma tête de peu! En coulisse, j’ai été soufflée par sa candeur. Il a le rire le plus contagieux que j’ai entendu de ma vie.

Jusqu’à récemment, je ne pensais à lui que comme à un bon ami et à un talentueux musicien. Mais Vivek m’a étonnée – tout comme beaucoup de gens – en créant au cours des dernières années une œuvre imposante qui va au-delà de la musique.

Commençant par un livre inspirant intitulé God Loves Hair, il s’est ensuite embarqué pour un voyage créatif qui a laissé dans son sillage des chansons, un livre et un film. L’un des éléments les plus intéressants de ce processus est son livre What I Love About Being Queer. Des gens y expliquent ce qu’ils aiment du fait d’être queer (hein?!).

À mon avis, ce livre devrait être obligatoire dans toutes les maisons au Canada. Je suis honorée d’y figurer. Quand mon exemplaire est arrivé à la maison, j’ai fondu en larmes. Vivek est un artiste adorable qui fait VRAIMENT bouger les choses.

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